Merci Marcel, merci Marcel et merci Marcel

Prendre le temps, laisser du temps au temps.

La curiosité a pris son temps ces derniers temps, avec raison.  Pour écrire ceci, il fallait que je prenne le temps de rencontrer Marcel, Marcel et Marcel.

La patience paie souvent.

Temps d’une rencontre avec le premier Marcel, samedi dernier, au Musée Galliera. « Colifichets et falbalas » de la Comtesse Greffuhle, muse de Marcel Proust qui inspira le personnage de la Duchesse de Guermantes. Tout le monde ignore la vraie Comtesse au profit de la Duchesse.

Capture d’écran 2016-02-27 à 17.53.55« Aucun élément n’entre en elle qu’on ait pu voir chez aucune autre ni même nulle part ailleurs. Mais tout le mystère de sa beauté est dans l’éclat, dans l’énigme surtout de ses yeux. Je n’ai jamais vu une femme aussi belle. »

Plongée dans le futile et le littéraire ? Armoires éventrées d’une écervelée ?

Rien de tout cela. Muse, admirée et adulée, elle ne fut certainement pas une potiche. Bien le rebours, elle fut un peintre de talent, et encouragea d’autres artistes, soutint la Musique, la Littérature et les Sciences dont Marie Curie.

Grâce à ces robes, prodigieux Panthéon de savoir-faire des Artisans de la Mode, j’ai rouvert « Le Temps perdu » au son de la « Pavane » de Gabriel Fauré, inspirée de son admiration pour la Comtesse.

Temps ainsi inspiré pour revoir un film tout aussi oublié, rempli d’images poétiques, presque proustiennes: « Un dimanche à la Campagne« .  Merveilleux film « impressionniste » aux émotions palpables dans le jeu remarquable de Sabine Azéma et de Louis Ducreux. Autre femme tourbillonnante qui ne reste pas à la place assignée.

Poésie des mots, poésie des sons, poésie des images.  Poésie du temps qui passe, et de la mode féminine qui en marque les changements.

Poésie d’un deuxième Marcel, Marcel Conche.  Philosophe, né au crépuscule de la Comtesse de Greffuhle, quand les robes, taillées par la Guerre, ont tu le frou-frou d’une Belle Époque révolue et se sont adaptées à un monde mécanique.

Film de Christian Girier. A l'affiche dans certaines salles et en DVD
Film de Christian Girier.
A l’affiche dans certaines salles et en DVD

Temps philosophe, grâce à l’émouvant film-portrait de ce penseur: « Marcel Conche, la Nature d’un Philosophe« , par Christian Girier. Il connut sa première expérience métaphysique à l’âge de six ans pour « voir s’il y avait quelque chose au bout de la route, après le virage ».  Il y un air d’un « Dimanche à la Campagne », une ressemblance avec Louis Ducreux, tout le charme des mots d’un vieil homme.  Tout est dit, posé sur la table, sans une once de vulgarité. Un rien de facétie dans le ton. Un régal de bonhommie. J’ai pu parler au réalisateur (en vrai) ; un vrai bonus.

Oubli pour l’Homme, oubli d’un regard naïf sur la nature.

« Je suis LA Dordogne ». J’étais là, Homme, avant que tu n’arrives, et je serai encore là, quand tu seras retourné à la Terre. L’Homme est éphémère au sein d’une Nature éternelle, une nature Artiste, Artiste absolue qui agit, oeuvre sans savoir ce qu’Elle fait.

Je ne connaissais ce Marcel-là que de nom. L’entendre parler de la primauté de la Nature sur tout ce qui se fait d’humain, alors qu’en ce moment je lis les journaux de bord de Christophe Colomb, c’est un peu comme demander à un poulet de se replumer tout seul. Contraste tragique entre le discours de Conche, et les récits de Colomb : l’homme oublie ; l’oubli d’un regard naïf sur la Nature.

Et de me dire que les Marcel sont de fins observateurs du temps qui passe, comme mon troisième Marcel: « …là, sur la longue plaine qui montait vers le Taoumé, les rayons rouges du soleil nouveau faisaient peu à peu surgir les pins, les cades, les messugues, et comme un navire qui sort de la brume, la haute proue du pic solitaire se dressait soudain devant nous. »

Taoume-sommet

Le Marcel d’un Combray imaginaire tissant à longueur de mots une dentelle pour retenir le temps perdu, le Marcel de la Bastide Neuve qui fixa par les mots et dans la pellicule, le temps d’une Provence encore sans artifices.

Une commune idée d’un « moment de la vie réelle de la nature ; ou plutôt il n’y avait pour moi de beaux spectacles que ceux que je savais qui n’étaient pas artificiellement combinées pour mon plaisir, mais étaient nécessaires, inchangeables, – les beautés des paysages ou du grand art. Je n’étais curieux, je n’étais avide de connaître que ce que je croyais plus vrai que moi-même, ce qui avait pour moi le prix de me montrer un peu de la pensée d’un grand génie, ou de la force ou de la grâce de la nature telle qu’elle se manifeste livrée à elle-même, sans l’intervention des hommes ».

Et le Marcel d’Altillac qui nous rappelle simplement, sans cruauté, une « sagesse tragique » que le temps des Amours, le Temps des Secrets, le Temps perdu puis retrouvé, aussi beaux soient-ils, sont œuvres humaines vouées à disparaître.  Pagnol disait lui-même que « ressusciter une source est plus important que d’écrire un livre »

1871-1922, 1895-1974, 1922-…Marcel, Marcel, Marcel : des éclairs dans un temps infini.

Merci, merci, merci.

Une réflexion sur “Merci Marcel, merci Marcel et merci Marcel

  1. Superbes Marcel (s) !
    Ton évocation ces ces grands hommes nous emmènent dans des univers de beauté ou de sagesse, que cela fait du bien quand on vient de jeter un oeil sur les infos du jour !!!
    Merci à toi et à tes Marcel (s)

    J’aime

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