Un billet, court, chaque jour.
C’est délibérément que, pour titre de ce billet, j’ai choisi la version châtié, élégante, du vocable « merde ».
Il existe une version enfantine de cette interjection : « crotte ». Elle est utilisée aussi bien par nos jeunes têtes que par des adultes qui veulent rester dans le registre de la bienséance et qui présupposent que l’on sera plus bienveillant envers « crotte » qu’envers « merde ».
Le « mot de Cambronne » – « merde » ou « crotte » – est quelquefois associé à la chance.
Les acteurs se lançaient le mot entre eux avant chaque première. En effet, à l’époque où l’on se rendait au théâtre en voiture à cheval (crottin, diesel : cela a toujours produit des gilets jaunes, autrefois appelés calicots), le succès d’une pièce se mesurait au nombre d’attelages qui attendaient les spectateurs, et donc au crottin généré pendant l’attente des équidés. En réponse à cette salve de la bonne fortune, l’intéressé devait répondre: « je prends ».
« Je prends la merde ».
Les Japonais prête également à la merde, au « Kin no unko » des vertus de bonne fortune que l’on retrouve élégamment sculptée sous forme de « caca d’or ».
Malheureusement, le « mot de Cambronne » – « merde » ou « crotte » – est aussi très souvent associé à la malchance. Il souligne le glissement vers une défaite ou sa constatation à posteriori.
Les Armées de Napoléon, au fil de leurs belles victoires, ont semble-t-il répandu cette expression, cette notion de « merde » jusque dans l’est de l’Europe, où elle recouvrirait à présent un concept bien au-delà du vulgaire de bon aloi. Comme quoi, il ne faudrait jamais déraper verbalement à l’étranger.
Il semblerait néanmoins que le « mot de Cambronne » demeure une « fake news » comme il en existe des milliers dans l’Histoire. Même le Ministère de la Défense présente le fait comme tel.
Il est vrai que le Général Cambronne aurait immédiatement pondéré sa sortie glorieuse : « La garde meurt et ne se rend pas ! » d’un « merde » de la défaite. Il fut fait prisonnier et l’Armée française fut défaite à Waterloo.
La première citation est la version châtiée militaire et glorieuse du mot « merde ». Dans les deux versions, à terre devant l’ennemi, les possibilités de débat étaient faibles et les possibilités de recours nulles.
Il est intéressant de rappeler que, dans la langue française, le mot « merde » ne connaît qu’une seule rime : « perde ».
Rime de bien mauvais augure et qui semble assez puissante pour nous tenir définitivement à l’écart de ce raccourci de cinq lettres et, de fait, d’un risque d’accumulation de matières fécales : les emmerdements.
En avant marche ! Non. Ni du pied droit. Ni du pied gauche !