Un billet, court, chaque jour.
« Proprioception », c’est comme « supercalifragilisticexpialidocious* » ; si vous le dites d’une traite, vous devenez prodige.
Et pas seulement à cause de la diction. Aussi grâce à la possibilité d’avancer même si, d’emblée, cela vous parait un obstacle.
Se jeter sur la difficulté en jouant de tous les muscles : la bouche, les joues, les lèvres, la langue, les cordes vocales ; foncer sur les syllabes en attaquant de toute la voix.
Se jeter sur la difficulté en jouant de tous les équilibres : le bassin, les bras, les genoux, les chevilles, les pieds ; foncer sur les aspérités en attaquant de tout le corps.
Pluies diluviennes, vent à décorner les boeufs, terrain détrempé : c’était le « supercalifragilisticexpialidocious » de ce matin.
Renvoi à la note gaie de cet imprononçable, parce que c’était avec des amis. Nous l’avons attaquée ensemble, cette difficulté-là.
On en prend plein les chaussures, les jambes. Ça glisse, ça dérape. Tout l’enjeu réside dans la capacité de tout le corps à se rendre parfaitement agile. Contourner à droite, contourner à gauche, pointes, demi-pointes, petits pas, pas de côté, sauts de biches, s’imposer en équilibre sur le fil entre deux flaques ou, carrément, foncer dedans.
Chaque milli-fraction de secondes permet de réaliser l’incroyable réactivité de tous les muscles, de tous les tendons à nous maintenir à la verticale, et à tenir la ligne, à réussir à avancer sur tous les terrains et dans toutes les conditions.
La « proprioception », c’est la diction du corps maîtrisé. Le « supercalifragilisticexpialidocious » de la course à pied.
Avant tout, c’est un mot impossible. Après tout, ce n’est qu’un mot.
Avant tout, c’étaient des conditions impossibles. Après tout, ce n’était que de la boue.
Si vous l’attaquez du bon pied et d’une seule traite, vous devenez prodige.
* supercalifragilisticexpialidocious : mantra de Mary Poppins