
Un billet, court, chaque jour.
« Aimer est le grand point, ce qui importe c’est le cépage. »
Détourner les vers d’Alfred de Musset, pour une grande affection : celle du bon vin.
Savagnin, malbec, négrette, merlot, cabernet, verdot, mondeuse, syrah, muscat, sauvignon, pinot, chardonnay, gamay, sylvaner : que de petites perles des terroirs viticoles français. Des mots chantants qui font claquer la langue, comme les breuvages grenat ou dorés, gouleyant en bouche, qui nous précipitent dans un voyage gustatif, à la recherche de toutes les notes sédimentaires et végétales qui se sont associées pour composer, à chaque vendange, une œuvre unique.
« Fruit de la vigne et du travail des hommes ». Ce n’est pas pour rien que nous écoutons à chaque messe cette prière, cette déclaration de Foi en l’association fructueuse du don divin et sa transformation par l’homme.
Français. Nous avons Foi dans les tables gaies, les verres pleins. Nous aimons la ripaille, les sauces, les rôtis, les mise-en-bouche, les cromesquis, les croque-en-bouche. Les belles tables, la belle vaisselle, l’argenterie, le cristal d’arques, de baccarat pour que chatoient de concert la langue, le palais, la joie et le cœur.
Et une « dive bouteille » trônant bien au centre.
Les Français ont une histoire d’amour avec le vin et pas une histoire « compliquée » avec lui comme nous a sermonné dernièrement « The Guardian ».
Être français et laisser les verres tristement briller de leur seul éclat de silice sans y faire ourler de belles robes or ou grenat serait trahir plus de vingt-six siècles de vendanges laborieuses. Ce serait insulter les cratères, les amphores, les barriques, les flacons précieux et tous les Vignerons aux mains de génie qui se cassent l’échine à créer ces élixirs.
Il serait navrant de devenir de dociles gosiers nourris et abreuvés sur prescription.
Et de détourner à nouveau une pépite littéraire, celle de Gervaise dans « L’Assommoir » : « Tenez, j’ai mangé ma prune ; seulement, je laisserai la sauce, parce que ça me ferait du mal. »
Oui, chacun, même cette pauvre Gervaise, sait faire la différence entre la raison et l’excès.
« Jamais homme noble ne hait le bon vin ». L’amour du vin est la noblesse de l’alcool et rompt toute filiation avec l’alcoolisme. Nous ne sommes pas de la même ivresse.
Cet épicurisme-là n’est pas un mal à soigner mais un Art à enseigner.