Un billet, court, chaque jour.
Il existe en France un certain nombre de lieux ; dits de « la mare aux poutres ».
L’histoire des « mares aux poutres » pourrait constituer la fondation d’un petit conte, d’un récit des techniques vernaculaires au Moyen-Âge.
Voilà cette toute petite histoire :
« Il était une fois il y a très longtemps. Peut-être avant même Charlemagne.
Sa cognée encore à la main, un fier bûcheron contemplait, à la fin de sa longue journée de labeur, la grume d’un beau chêne gras gisant sur le sol. Il ne lui restait plus, avec ses débardeurs, qu’à le hâler vers la grande mare remplie de vase.
C’est la dernière fois que le bûcheron verrait de son vivant cette pièce magnifique. Son grand-père lui avait déjà désigné ce chêne ; mais lui, le chêne était déjà là depuis bien, bien longtemps.
Le tronc allait rester là, ainsi, dans l’eau vaseuse pendant des années. Peut-être pendant encore plus d’un siècle.
Pas notre bûcheron, pas-même son fils, mais peut-être son petit-fils le sortirait de là pour y tailler la charpente d’un vaisseau ou celle d’un château. Ou même peut-être celle d’une Cathédrale »
Cette technique se nomme l’enclavation. Elle permet de rendre le bois de chêne ou de hêtre totalement imputrescible.
Des siècles de pousse, quelques heures de coupe, plus d’un siècle d’attente, et encore des années pour devenir carène, poutre maîtresse ou faîtage.
C’est de cette attente, de cette patience et de cette sagesse sylvestres que sont faits les « Belles Poules », les châteaux. Et les cathédrales.
Guillemette Callies 