
Un billet, court, chaque jour.
« Et les siècles par dix,
Et les peuples passés,
C’est un profond jadis,
Jadis jamais assez* »
Nous n’aurons jamais assez de « jadis ».
Dans dix ans, peut-être moins, peut-être plus, nos enfants diront : « en 2019, au printemps, il y a eu un terrible incendie à la cathédrale Notre-Dame. »
Pour que ce jadis prenne forme dans la bouche de ces enfants-là, il faut des poètes, des écrivains, des acrobates de cathédrales, des promeneurs-rêveurs comme Sylvain Tesson.
Sylvain Tesson, amoureux des flèches de cathédrales, celle de Notre-Dame : « de bois, souple, vivante » qui bougeait légèrement par grand vent.
Sylvain Tesson fait cadeau de ses propres textes au bénéfice de la restauration de Notre-Dame de Paris.
Au cœur de ses souvenirs, il ajoute des signes de sa tristesse pour cette cathédrale, « incarnation calcaire du Verbe » mais aussi d’espoir qu’elle soit, avec délicatesse, redonnée, à l’identique, à Paris, à la France, au Monde.
Et à Victor Hugo, Charles Péguy, Théophile Gautier. Et à tous les poètes.
Avec, cependant, ce doute :
« Que signifie l’effondrement ? Y-a-t-il le moindre enseignement à tirer d’un brasier ? Il est peut-être temps de se calmer. Trop d’empressement à faire table rase mène peut-être à ce genre de désastre. Et si l’effondrement de la flèche était la suite logique de ce que nous faisons subir à l’Histoire ? L’oubli, le ricanement, la certitude de nous-même, (…) et, un jour, les cendres.
Et un souhait. Celui de ne pas appliquer à la réflexion sur la restauration de Notre-Dame, les défauts de notre époque ; dont, la précipitation.
* Paul Valéry, « Charmes »