Un billet, court, chaque jour.
Parfois, l’inspiration, c’est un peu comme un pot de fleurs perdu au milieu d’une cour intérieure, ça pousse tout seul, presque abandonné, livré à soi-même.
Parfois ce sont des restes de plantations qui permettent d’imaginer ce que cela pourrait donner avec un peu plus de soin.
Parfois ce sont des graines qui sont arrivées là on ne sait pas trop comment et qui attendent de donner leur mesure.
Toujours on voudrait que l’instant vécu se transforme en prose de génie : en fleurs exubérantes, chatoyantes, flamboyantes, sophistiquées, exceptionnelles, alors que n’éclosent que des pousses timides dont on ne sait pas trop quoi faire.
L’inspiration en berne est une plume qui gratte le fond d’un encrier vide. Un bourgeon en attente de sève et de conditions favorables.
Il faut alors à cette inspiration allonger des racines à la recherche de nouveaux substrats d’idées.
Il faut alors à cette inspiration un travail de la volonté.
Une petite lutte entre les sens et l’esprit pour provoquer les mots et les coucher enfin sur le papier. L’inspiration est aussi affaire de tension : assiéger ses idées, ses sensations, ses réactions. C’est parfois un petit combat contre ses hésitations, contre la tentation du laisser-aller.
Quatre jours de petits combats contre l’aridité et le doute, à traquer, débusquer une manne d’idées, au fil des rues, des forêts, des conversations et des images volées à la trépidation du quotidien.
Ce combat se gagne à la faveur de l’offensive d’un combattant d’élite sorti des rangs des réflexes perdus : regarder.
Regarder gagne par tous les flancs sur son pervers adversaire : voir.
Cette laborieuse victoire de regarder sur voir rouvre les frontières et la libre circulation des idées.
Et pour en revenir aux fleurs, à ce pot de fleurs perdu au milieu d’une cour intérieure, tout n’est pas destiné à tomber sous la règle et le crayon d’un Le Nôtre ou d’un Capability Brown.
Il y a une science et un charme propre à toutes architectures végétales même à celles qui échappent au cordeau du paysagiste.
Il y a une science et un charme à tous les détours que souhaite prendre une plume, même celles qui n’obéissent à pas grand-chose d’autre que l’inspiration.
Parfois, l’inspiration ressemble à ces quelques corolles sans pedigree, entêtées à s’enraciner ici dans les interstices d’un mur décrépi, là entre deux pavés disjoints ou encore, indisciplinées, à foisonner au nez et à la barbe des grandes fleurs de haute lignée.
Parfois, l’inspiration est une graine au vent qui se pose, s’agrippe, s’enracine, germe, se développe, s’épanouit sur le terreau, les sédiments des petites choses de la vie.