Un billet, court, chaque jour.
Samedi 10 juin 1944.
En Normandie, la France entame sa libération grâce aux Forces Alliées.
Mais dans le cœur de la France, la barbarie de la banqueroute nazie se déchaîne.
Ce jour-là, comme hier, les champs devaient resplendir de toute la puissance du printemps.
Un village innocent commençait sa journée.
La colonne « Das Reich » s’est alors abattue sur ces villageois innocents.
« Que nos caravanes s’avancent
Vers ces lieux marqués par le sang
Une plaie au cœur de la France
Y rappelle à l’indifférence
Le massacre des Innocents »
(Louis Aragon)
J’ai parlé à une dame d’un petit hameau de Haute-Vienne qui avait onze ans au moment du massacre.
Elle vivait à La Chapelle Blanche, à sept kilomètres d’Oradour, en juin 1944. Toute la région, après les pendaisons de Tulle la veille, et la rumeur d’Oradour, propagée comme un tocsin, s’est terrée devant la menace d’horreurs semblables.
Un de premiers témoins, Jean Pallier, écrira :
« Il n’est pas de mots pour décrire pareille abomination. Bien que la charpente supérieure de l’église et le clocher soient entièrement brûlés, les voûtes de la nef avaient résisté à l’incendie. La plupart des corps étaient carbonisés. Mais certains, quoique cuits au point d’être réduits en cendres, avaient conservé figure humaine. Dans la sacristie, deux petits garçons de douze ou treize ans se tenaient enlacés, unis dans un dernier sursaut d’horreur. Dans le confessionnal, un garçonnet était assis, la tête penchée en avant. Dans une voiture d’enfant reposaient les restes d’un bébé de huit ou dix mois. Je ne pus en supporter davantage et c’est en marchant comme un homme ivre que je regagnai le hameau des Bordes. »
Après soixante-quinze ans, le village, en ruine, resté dans la posture de son drame, agite nos émotions, interroge sur les excès humains et force à un respect de la mémoire.
Le Général de Gaulle, en mars 1945, prononcera ces mots :
« Ce qui est arrivé à Oradour-sur Glane nous enseigne aussi autre chose. C’est que, pour réparer et pour conserver le souvenir, il faut rester ensemble comme nous le sommes maintenant. […] Jamais plus, même une fois, il ne faut qu’une chose pareille puisse arriver à quelques points que ce soit de la France. Et pour que cela n’arrive plus […] il y a des dispositions à prendre, des dispositions qui ne sont pas seulement des formules, des dispositions qui ne consistent pas simplement à faire confiance aux autres, même quand ces autres ont la meilleure volonté du monde. Il faut se faire confiance à soi-même, et s’assurer sa sécurité soi-même ».
Les « Das Reich » portent des barbes aujourd’hui.