Un billet, court, chaque jour.
(Réédition d’un billet du 19 juin 2016. On ne change pas ce en quoi on croit.)
« Petit Papa,
C’est aujourd’hui ta fête,
Maman l’a dit
Quand tu n’étais pas là.
J’avais des fleurs,
Pour couronner ta tête,
Et un bouquet,
Pour mettre sur ton cœur.
Petit Papa, Petit Papa. »
Quand un cher Papa n’est plus là, il y a trois dates qui rendent certaines journées un peu plus mélancoliques que les autres : la fête des Pères, son anniversaire et le jour où il a pris rendez-vous avec le paradis.
Donc, aujourd’hui est une de ces trois dates.
Il paraît que dans les écoles, on fête maintenant « la fête de ceux qu’on aime », pour ne froisser personne. Ce matin à la boulangerie, j’ai remarqué que contrairement au jour de la fête des mères, il n’y avait en vitrine aucun gâteau splendide avec des cœurs. Je ne crois pas qu’offrir des fleurs à un homme ne soit jamais devenu une galanterie féminine, je ne crois pas avoir beaucoup vu de chambres d’hôpital occupées par un homme, égayées par un bouquet. Il n’y a guère que les hommes publics des images d’Epinal qui en reçoivent dans les cérémonies officielles.
Et, passant au crible mon stock culturel, j’ai cherché de mémoire des références qui soient des hommages aux pères.
C’est naturellement que Pagnol m’est venu à l’esprit, lui dont la plume a si bien peint l’amour filial :
« Et dans mes petits poings sanglants d’où pendaient quatre ailes dorées, je haussais vers le ciel la gloire de mon père en face du soleil couchant.»
Admiration pour ce modeste instituteur d’une sincérité parfaite dans ses œuvres éducatives et qui au fil des mots de Marcel s’avère un homme plein de tendresse pour Augustine et pour ses enfants.
C’est ensuite une mélodie, une prière filiale merveilleuse, interprétée par Barbara Streisand dans le film « Yentl »
Papa, can you hear me?
Papa, can you see me?
Papa, can you find me in the night?
Papa, are you near me?
Papa, can you hear me?
Papa, can you help me not be frightened?
Papa : celui auquel on revient toujours quand il fait un peu nuit, quand ça tangue un peu, quand on cherche une solution, quand on a besoin d’une main secourable ou d’une épaule. L’abri. Le recours.
C’est encore l’admiration de Patricia pour Bullit :
« Patricia, serrée au flanc de son père comme pour en recueillir la chaleur et la vigueur et qui, son petit visage levé, fouetté par le mouvement de l’air, me tirait sans cesse le bras et me clignait de l’œil pour faire admirer l’adresse et l’audace des mains si robustes qui tenaient le volant. »
(Le Lion, Joseph Kessel)
Ce sont les sentiments ambivalents, de l’amour irisé de mille nuances complexes, dont on n’obtient les clefs, dont on ne perçoit le sens que tard, quand on est soi-même devenu parent. Franz Kafka mourant l’explique très bien dans sa « Lettre au Père ». Lieu commun de dire que les pères endossent le mauvais rôle ; et qu’aux mères se réservent la compassion, la tendresse, l’indulgence.
Il ne doit pas toujours être si simple d’endosser le costume de « vigile » et de contraindre son fond bienveillant.
« (…) Père, tu me fais peur depuis toujours et je crains le pire lorsque tu es là,
Mais aussi, lorsque tu n’y es pas. (…)
Dans mon for intérieur, je n’ai jamais douté́ de ta bonté́ à mon égard, (…)
Si opposé à ma personne ? Si tu n’as pu exprimer une quelconque tendresse,
Du temps de mon enfance, c’est que tu craignais d’être faible en tant qu’homme. Aujourd’hui, avec le temps tu t’es ramolli
Et avec tes petits-enfants tu as changé du tout au tout, tu es méconnaissable. (…) »
Chassez le naturel, il revient au galop.
Retour à la chanson avec « Mon Vieux » de Daniel Guichard, pour la compréhension tardive que l’on peut avoir de ses proches, de son père et les regrets qui l’accompagnent. Troisième accord toltèque, très vrai avec nos proches : nous avons tendance à faire des suppositions à propos de tout. Le problème est que nous croyons ensuite qu’elles sont vérités.
Alors, simplement comprendre, tout de suite, que ce que l’on croit, n’est pas forcément la réalité ; la réalité d’un père. Et peut-être regretter. Après.
Maintenant qu´il est loin d´ici
En pensant à tout ça, j´me dis
« J´aim´rais bien qu´il soit près de moi »
PAPA…
Un père, ce peut être cette image tendre : toile anonyme du XIX° siècle. L’image de ce père construit la scène de famille ; il en est le centre ; une colonne vertébrale, un mur porteur, une poutre maîtresse.

Cette fête fut célébrée dès le Moyen-Âge ; à l’origine le 19 mars, jour de la Saint-Joseph. Saint-Joseph accepta son rôle de père putatif. Aucun film n’en montra autant la complexité que « L’évangile de Saint-Matthieu » de Pier Paolo Pasolini: (4’13 » dans le film).
Hé, Simone. On ne naît pas Père. On le devient.
Un ami me disait ce matin qu’être fêté était moins important pour les hommes, qu’ils se passaient de ces démonstrations. Je pense le contraire. Que les hommes ne sont pas à placer dans la catégorie fourre-tout de « ceux qu’on aime », mais sur un podium aussi important que celui des mères.
Ainsi, comme on fête les Mamans, bonne fête à tous les Pères.