Un billet, court, chaque jour.

Il y a eu la fraction de seconde idéale.
Une seconde unique pour saisir l’alignement parfait des lignes de la Tour Eiffel, de l’élan vertical des bulles de champagne, du reflet dans le liquide doré, de l’inversement de l’image dans la transparence du verre, de son écho dans la masse cristalline du pied.
Anticiper cette seconde idéale revient à ne pas trop se détacher de l’esthétique du décor, c’est se multiplier, pour être un peu à la fois pleinement ici, avec les gens, et être un peu pleinement ailleurs, dans le décor, en même temps.
Un double jeu d’attention, un dédoublement dans l’espace-temps.
Suspendre inopinément la bulle d’une conversation, lui voler une fraction de seconde et projeter celle-ci en un geste leste sur l’image à saisir.
La conversation ne s’est pas arrêtée, le bateau a poursuivi mollement sa course, la Tour Eiffel s’est immiscée précisément dans le décor, ma main a levé cette flûte presque spontanément.
L’urgence de saisir cette fraction a permis le geste.
Un imperceptible catimini : j’ai vu, j’ai pris.
Imminence capturée.
Alignement parfait des bulles.
Image des bulles synchronisées.
Presque un miracle !