Un billet, court, chaque jour.
C’est le restaurant d’un Italien qui s’est perdu dans les escarpements de la Montagne Noire.
Un petit écrin soigneusement tenu au creux d’un territoire assez oublié – sinistré – par la manne économique.
Une dizaine de jolies tables nappées, dressées. Il n’y a rien de luxueux ni d’ostentatoire, rien qu’une élégance proprette imaginée par un beau Rital cosmopolite pour convenir aux logiques touristiques de ce lieu de transit.
Nappe blanche, porcelaine immaculée, verres à pieds.
Serveuses efficaces, attentionnées, souriantes, sans excès ; un gracieux équilibre en harmonie avec le lieu.
Cru local de la meilleure facture, produits frais de saison. Un joli tour de main transalpin.
Ni trop, ni pas assez.
La jovialité et la convivialité de l’hôte inspirent aisément un léger effort de paraître. Il serait mal venu de se carapacer avec ors, paillettes et grandes marques, tout invite cependant à venir s’attabler douché, coiffé et, oui, je dois le préciser : habillé.
A la table d’à côté : une famille de huit personnes.
Eux, ils sont venus, tout tatouages dehors, tels que descendus de leur vélo ou sortis de la piscine.
Shorts-maillot-de-bain, débardeurs, t-shirts siglés, tongs et, même, nu-pieds.
La douche, le coup de peigne !
« T’habiller un peu, peut-être ? »
Cela me rappelle certains moments de doute sous les ors de l’Opéra Garnier quand des images de fracs, de crinolines et de fleurs dans les cheveux m’assaillent pour lutter contre le jean-baskets.
Et ici au restaurant, comme là à l’Opéra, pour chasser le doute avec humour comme on chasse une mouche d’un revers de la main, je détourne un refrain sorti d’un film publicitaire des années 80 pour une marque d’épices :
– « À quoi ça sert que le Rital se décarcasse ? »
Guillemette Callies 