Un billet, court, chaque jour.

Se rendre dans un musée, choisir une exposition : culturel et élitiste. Certainement : cela vous est accordé.
Il y a différentes manières d’aborder l’Art, quel qu’il soit, mais, au bout du compte, ce qui importe, c’est la confrontation des sens avec le « beau » ; ou non.
C’est un dialogue de sophistes qu’il n’y a pas lieu d’entamer là.
Bien sûr, chacun arrive avec son disque dur culturel, dans l’espoir d’en connaître et d’en stocker un peu plus et de pouvoir, dans les dîners et salons, dire que l’on a été « voir » ; que l’on a « vu ».
Bien sûr, il y la genèse de l’exposition qui provoque l’admiration pour Pierre-Jean Mariette, qui arpenta l’Italie des débuts du XVIII° et consacra sa vie à collectionner, avant tout à l’aune de son goût, les dessins – esquisses, croquis, essais, estampes – des Maîtres Italiens.
Cependant, finalement, on ne sait jamais à quoi s’attendre et, subséquemment, on ne sait jamais la manière dont on va réagir, avec quelles émotions on va repartir.
Plus qu’un contenu de conversation mondaine, ce qui compte, c’est LA sculpture, LA composition, LE sujet, LE coup de crayon qui va choquer l’œil et irradier l’âme sensible.
Il y a autant de manières de se colleter à la pléthore d’informations, de dates, d’anecdotes et d’images qu’il y a d’individus.
Certains traverseront la « chose », craintifs, comme on fuit la maladie dans un couloir d’hôpital.
D’autres, experts, scruteront tout méthodiquement, comme on établit un état des lieux.
Encore d’autres, mercantiles, musarderont, le regard productif, dodelinant du chef de droite et de gauche, comme une matinée de lèche-vitrine.
Enfin, un petit nombre, l’œil humide, occultera ce qui fait le monde : le temps, l’espace et l’agitation.
En quête du coup de grâce.
Pas à pas, cadre par cadre, ici : lavis Mariette par lavis Mariette (puisque c’est à lui que l’on doit les encadrements bleus et dorés), notice par notice, on se nourrit des explications, des références, des sources.
Chaque dessin permet de mesurer la ressource inépuisable que constitue pour l’Art, pour le Dessin – le crayon, le fusain, la mine, la sanguine, l’encre -, toutes les plus belles pages des Mythologies grecques et romaines, de l’Ancien et du Nouveau Testament.
Et de la vie. Des scènes de vies croquées de-ci-et-de-là.
Chaque dessin s’avoue une telle somme de travail, une telle recherche de perfection esthétique, une telle nécessité d’évidence et de clarté narrative, qu’il est impossible, même au plus étranger à l’Art, de ne pas y déceler la présence de génie.
La main se devine plus qu’une main. Elle est douée du pouvoir de tisser des fils entre l’irréel et le réel.
Il y a, dans la grâce des traits, qui restituent dans leurs courbes, dans leur épaisseur, dans leurs ombres, un supplément indicible, une ingérence souvent divine.
Une fois l’étude scolaire terminée, un deuxième, un énième passage s’impose, au gré du goût, au gré du cœur.
S’accomplit, un, parfois plusieurs, miracles de connivence avec une œuvre.
Cela ne s’explique pas, ce ressenti qui reste, cette image qui vous suit, cette aura qui vous nimbe, ce piège arachnéen qui s’est tissé entre le fil du crayon et le fil des émotions.