Un billet, court, chaque jour.
Alexandre Soljénitsyne (1918) a disparu le 3 août 2008.
Il importe peu de revenir sur sa biographie à laquelle tout un chacun peut avoir accès ici ou là. L’essentiel est bien connu et tient, d’une part, dans le titre de son célèbre essai sur le système carcéral soviétique: « L’Archipel du Goulag » et, d’autre part, dans l’attribution du Prix Nobel de Littérature en 1970.
C’est dans une lecture en cours que je suis tombée sur l’extrait d’une conversation entre Alexandre Soljénitsyne et l’un de nos hommes politiques français.
Voici l’échange.
– « C’est chez vous qu’a été inventée la matrice idéologique de la Terreur soviétique. Lénine exhortait ses hommes de main : « Il nous faut des Vendée, des terreurs réussies ». De siècle en siècle, c’est toujours l’Idéologie… »
– « C’est quoi pour vous l’Idéologie ? »
– « La fuite du réel. L’idéologie s’invente un Réel qui n’existe pas. Elle s’épanouit dans une temporalité hors du temps. Elle raye d’un trait l’histoire, les racines des vieilles nations, l’homme tel qu’il est. »
(…)
– « Mais les idéologies finissent toujours par mourir. Car il y a, un jour, un grain de sable… qui s’appelle justement le Réel. Rien ne bouge tant que le peuple croit que le système est infaillible. »
Alexandre Soljénitsyne raconte ensuite une anecdote à propos d’un célèbre grain de sable.
– « Khrouchtchev laissa traîner, dans son fameux « rapport », un petit détail pittoresque qui révélait que les effectifs de bovins de l’Union soviétique étaient désormais inférieurs à ce qu’ils furent au temps des tsars. Le peuple en fit des gorges chaudes. C’en était fini du dogme de l’infaillibilité des Soviets. Ils pouvaient donc se tromper…On pouvait ne plus les croire.
C’est ainsi pour toutes les idéologies : le dogme de l’infaillibilité est leur sauvegarde, le doute assure leur mort lente. »
Guillemette Callies 