Un billet, court, chaque jour.
L’eau.
H20. Cieux ingrats.
Est-ce que cela suffit ?
Il y manque un peu de poésie.
Un peu de cette poésie qu’apporte la rêverie.
La pluie a ceci de commun avec le feu qui crépite dans l’âtre, de faire le vide dans l’esprit, d’attirer toute l’attention, de vous livrer sans combat aux songes.
Dans ce cas, il n’y a pas un récit, pas un roman, pas une conversation qui ne soit assez puissant pour inverser le courant.
La pluie, goutte après goutte, de sa petite musique aux rythmes capricieux, de sa délicieuse, diluvienne chorégraphie, captive, capture et emporte.
La vallée du Chinaillon était toute prise hier d’une humeur météorologique têtue, obstinée à imposer des brumes diaphanes, des nuages bas vaporeux et baladeurs, une pluie drue de l’aube aux confins de la nuit.
Tout résonnait des gouttes devenues filets, devenus rigoles, devenues flots, devenus cascades, devenues rivières et torrents.
Entre ces millions de gouttes s’est immiscée une évasion à leur propos. Une évasion gaie, provoquée par l’énergie de leurs éclaboussements hypnotisants, de leurs trajectoires anarchiques.
Une danse libre et exubérante.
Avec mon appareil, sortant quelques secondes de mes songes, j’en ai capturé un, éclaboussement, une, goutte ; son jaillissement, son impact.
Son esthétique de liberté.
J’ai suivi le chemin de cette goutte, avec la malice et la tendresse d’un Jean Macé racontant à une chère petite fille « L’Histoire d’une bouchée de pain» (1885).
Qu’est-ce qu’il se passe après, que fait-elle, que devient-elle, cette bouchée de pain, cette goutte d’eau ?
Et cette rêvasserie, ce chemin, m’ont conduit, jusqu’à ce matin, où, les arpentant d’une foulée enthousiaste, les flancs herbeux des montagnes, tout encore éclaboussés, ébouriffés du traitement de toutes les gouttes de la veille, livraient le secret, la magie de la goutte d’eau, de ces gouttes d’eau.
Une symphonie gaie, tintinnabulante, déferlante. Le chant des ruisseaux en liesse qui retentit, une chorale de roulements amplifiée d’échos charmants.
Une aquarelle irisée, scintillante, lumineuse. Le soleil se mire dans chaque diamant humide déposé par le ciel ; qui sur une herbe, qui sur les œuvres de quelque Arachné industrieuse, qui sur une pierre qui luit comme un cristal tout juste poli.
L’eau du ciel et ses gouttes cristallines, étanchent nos sourdes soifs de poésie, sustentent nos faims de temps, d’horizon onirique de toute la grâce de leur art, dénouent nos amarres terrestres et philistines.