365 Nuances de 2019 – #204 – «La Voix de leur Maître»

Un billet, court, chaque jour.

Vidéo alpestre, champêtre à visionner avant de lire.

Aujourd’hui, je suis montée au Plateau des Glières.  Par Entremont, côté sud-ouest.  Pour me rendre compte, par mes propres pas, de la difficulté d’accès au site des glorieux combats de la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale. À l’hiver 45, de janvier à mars.

Ce matin, c’était l’été, j’étais bien équipée, pas chargée et il n’y avait d’enjeu, juste le plaisir de l’effort.
Ce n’était pas la guerre, ce n’était pas l’hiver, je n’étais poursuivi par personne, j’étais bien nourrie.

D’Entremont, Les Plains exactement, jusqu’au chalet Clémenceau, on se prend dans les jambes, plus de 700m de dénivelé continu.
Un grand effort de longue durée et, en 2019, sur un chemin assez bien balisé, juste à l’entretien très négligé.
Bien qu’au plaisir de la marche, je me suis quand même imaginé ces hommes, ces combattants, chargés d’armes ou de matériels, empruntant en montée, ou pire, en descente, le même parcours.
J’ai ainsi eu, un bref instant, une toute petite, mais rien qu’une petite idée de leur courage.

À bonne distance du cœur du plateau et du monument érigé à la mémoire des combattants, devenus un grand chambard touristique, il y le Chalet Clémenceau, centre de commandement du Plateau, que pratiquement personne ne visite.
J’y ai pique-niqué sous un soleil de rêve, avec une vue merveilleuse sur le dos de la chaîne du Bargy.

La vie d’alpage bat encore son plein et c’est sans doute une de ses scènes pittoresques qu’il m’a été donné de voir, et d’entendre.
Un cri de stentor : « la dé la », poussé en série dans la combe.  Des sifflets.  Et quelques clarines qui résonnent soudain plus fort, mise en mouvement par leurs propriétaires.
Un joli troupeau de vaches, presque immobiles, paisiblement attablées autours de leurs herbes fraîches, se mit soudain en branle pour répondre à la voix de leur maître.

La Cheffe, peut-être la plus âgée, a lancé le mouvement en bougeant la première. Variablement obéi, brouter demande tellement de concentration, elle stimulait ses consœurs par des meuglements impératifs.
Ce fut une scène gaie, pleine de poésie.

Le temps fait bien son œuvre.  Soixante-quinze ans que ces Hommes sont tombés au champ d’honneur et la vie, pleine et entière, a repris sa place.
Avoir mis mes pas dans les leurs m’a donné une mince idée de ce que fut leur vie, mais m’a surtout permis de mesurer combien le « devoir de mémoire » est chose ardue quand plus rien ne permet aux jeunes générations de se représenter, ne serait-ce qu’une minute, ce que peut-être de garder les armes à la main et se battre, par deux mètres de neige et sous la mitraille ennemie.

Je suis redescendue dans la vallée du Borne, rivière vive et chantante.  Avec une mémoire tout aussi vive et des souvenirs tout aussi chantants.

Mémoire, effort ET poésie.

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