Un billet, court, chaque jour.
Un autre angle de vue sur les grands évènements de l’Histoire est toujours un exercice utile pour se forger une idée de leur complexité.
Les combats vus de France, racontés par les Français dont le sol avait été envahi, détruit par les Allemands, ne prennent pas la même épaisseur, ici, vus par les Anglais, là, dans d’autres supports, vus par les Américains, les Serbes, les Allemands ou les Italiens.
« Pour les soldats tombés » est une bien pauvre traduction du titre original en anglais du documentaire de Peter Jackson : « They shall grow not old ».
Oui, il s’agit bien d’un hommage aux Combattants de Grande-Bretagne et du Common Wealth venus défendre la liberté de l’Europe depuis le sol Français pendant la Première Guerre Mondiale. La trame du récit respecte bien le sens du vers anglais tiré du poème de Laurence Binyon « For the Fallen » écrit en 1914 : « Ils ne vieilliront pas ».
« They shall grow not old, as we that are left grow old :
Age shall not weary them, nor the years condemn.
At the going down of the sun and in the morning
We will remember them. »
Le titre français ne respecte pas le point de vue du documentaire qui met en lumière la montée au front de dizaine de milliers de jeunes Britanniques dont certains, en totale inconscience, tronquèrent leur âge réel – 15 ans souvent – pour s’engager.
Ce qui marque le début du documentaire, c’est la brutalité de la montée au front qui saisit l’ignorance initiale des jeunes engagés « volontaires » partis la fleur au fusil – ou presque.
Au fil des images recolorisées et des reprises de témoignages sonores des « Boys », c’est une autre compréhension des raisons de leur engagement, de leur formation militaire, des tragédies du front, de la dureté des tranchées qui émerge.
Les Anglais venaient soutenir une Alliance.
Les Français défendaient leur propre sol.
Les uns et les autres avaient toutefois en commun de devoir partir à l’assaut avec la même peur au ventre, avec la même résignation face au hasard des tirs de barrage, avec le même sens du don de leur vie pour la cause.
Dans les tranchées, Français et Anglais, et, de l’autre côté les Allemands, vivaient le même quotidien macabre, partageaient la même souffrance dans la boue et la fange.
Seuls les rats étaient neutres. Ils se repaissaient indifféremment des cadavres.
Ce documentaire montre, avec plus ou moins de justesse, l’universalité du sort des hommes au combat.
Pour preuve :
« Ah ! ces heures, ces heures-là ! Le râle reprend : avec quelle lenteur meurt un être humain ! Car, je le sais, il n’y a pas moyen de le sauver. J’ai, il est vrai, essayé de me figurer le contraire, mais, vers midi, ses gémissements ont détruit ce faux espoir. Si encore, en rampant, je n’avais pas perdu mon revolver, je l’achèverais d’un coup de feu. Je n’ai pas la force de le poignarder. »
De quelle nationalité est celui dont la plume a couché ces lignes sur le papier ?
Des mots presque semblables sont prononcés par un Vétéran dans le film, comme témoignage d’un acte réel.
Ici, elles sont tirées du témoignage d’Erich Maria Remarque dans « À l’Ouest rien de nouveau ».
Le 11 novembre 1918, les « fritz » pleurèrent leur défaite. Au prix de dizaine de milliers de morts.
Le 11 novembre 1918, les « poilus » célébrèrent leur victoire. Au prix de dizaine de milliers de morts.
Le 11 novembre 1918, les « boys » eurent le sentiment de perdre leur job. Au prix de dizaine de milliers de morts.
Bleuets, coquelicots.
France, Grande-Bretagne.
Des versions différentes. Des mémoires différentes.
Sous les épidermes, un même sang versé.