Un billet, court, chaque jour.
La plupart des technologies qui sont à notre disposition aujourd’hui, n’existaient pas avant le Web.
C’est à dire avant 1989.
Aujourd’hui en revanche, la plupart des gestes, des démarches, des actions, des loisirs, des achats qui nous occupent peuvent se résoudre d’un simple «clic», d’une simple opération sur une «appli’».
Il y a peu, avant de basculer dans une dépendance totale à l’immédiateté du caprice, de l’achat-réflexe, j’ai opéré une brusque machine-arrière.
Je suis retournée dans les magasins, j’ai accepté de passer des commandes et d’attendre quelques jours pour obtenir ce que je voulais, de descendre acheter mes repas plutôt que de me les faire livrer par un scooter, d’appeler pour louer une voiture en agence, d’aller à la rencontre de mon banquier.
Parce qu’à un moment donné, il y a environ deux ans, je me suis interrogée sur ce qu’il se passait après le « clic ».
Je me suis posé la question des conditions de travail, la question des emplois, la question de l’urgence de mes coups de cœur, la question de la débauche d’emballages, l’inutilité de toutes ces boîtes, de ces couverts.
J’ai réalisé que si, d’un simple « clic », j’avais le pouvoir d’assouvir un désir sans aucun frein, aucune frustration, sans le moindre effort, il n’y en allait avec la même légèreté une fois le paiement validé.
Qu’est-ce qu’il se passe après le « clic »?
Ce « clic » aurait potentiellement de lourdes conséquences.
« Sorry We Missed You » de Ken Loach a confirmé cette intuition de la brutalité que déclenche ces «clics».
En fait, socialement, le monde numérique soumet une multitude de personnes, et subséquemment leurs familles, à une régression sociale vertigineuse : le retour au travail à la tâche, au travail à la pièce, aux bourses du travail, aux bras plutôt qu’aux hommes.
Le film est brut, sans retouche ni artifice, il touche d’abord notre conscience de consommateur et presque simultanément, notre altruisme : qu’est-ce que nous hommes, par nos choix, causons comme torts à d’autres hommes ?
C’est bien là le pivot, le point de bascule ou d’équilibre de notre société ultra-technologique.
Qui assume le prix de nos caprices ?
À quel moment nous montrons-nous authentiquement responsables et altruistes ?
Appuyer un moment sur le frein pour réfléchir n’empêche pas certainement pas d’avancer, de (se) conduire mieux.