Un billet, court, chaque jour.
C’est très intéressant une vague.
Après être éminemment onirique et magistralement poétique.
L’écume qui berce les rêveries le long des grèves, les flots qui déflagrent et se fracassent sur les récifs ne sont que l’apothéose d’un long travail d’amplitude.
Après la poésie, les vagues sont aussi un phénomène physique, mécanique qui offre une grande variété de métaphores.
Si, le regard et l’oreille accrochés au ressac, on laisse glisser son esprit du va-et-vient de l’écume aux réalités de ce monde, on peut y trouver bien des comparaisons.
– Ce ne sont pas les marées qui créent les vagues, c’est le vent.
Pour savoir d’où viennent les vagues, il ne faut pas chercher d’explications uniquement auprès de celui qui gouverne le Ciel.
Les marées sont aux ordres du ciel, les vagues aux ordres des vents.
Qui souffle le vent ? Celui qui le souffle, souffle-t-il seul ou ne sert-il que de cornet à piston ?
Par exemple, dans la mythologie, Éole ne souffle pas sans l’accord de Zeus (Zeus est Jupiter chez les Romains ou dans le langage contemporain).
– La grosseur des vagues dépend de la force du vent.
La force du vent dépend de la taille des bronches du souffleur. L’amplitude des vagues ne sera pas la même selon que le souffleur est un soprano léger ou un baryton-basse.
La force du vent prend celle du souffleur, prend le nom de l’origine du souffleur ; il peut s’appeler, par exemple : meltem, chammal, levanter, vendavel, levêche, …
Malgré les apparences, les vagues sont de natures et de forces différentes, ont des objectifs et des impacts différents.
– Les vagues naissent en « zone de génération », loin des côtes.
La « zone de génération » varie.
D’où souffle le vent ? Où commence-t-il ?
Parfois il souffle depuis la terre.
Il peut naître dans les plus grands déserts. Il y a beaucoup de sortes de déserts.
Parfois il souffle depuis la mer.
Chaque mer, chaque océan est différent. Il y a des mers étroites et des océans larges.
Encore un paramètre qui joue un rôle dans la force du déferlement d’une vague sur la côte.
– Seules les vagues moins rapides que le vent pourront voyager à travers l’océan et atteindre les côtes. Les autres déferleront seulement au large, en surface, pour former ce que l’on appelle les moutons.
Il ne faut donc pas s’occuper des moutons. Seuls, ils sont voués à périr au large.
Ce qui doit occuper, c’est la conjugaison de nombreuses vagues et de la marée, qui finit par pousser les moutons en masses compactes vers la côte.
L’analogie la plus parlante est celle du berger, qui conduit et commande les moutons. Le berger est, comme la marée, un agent amplificateur.
Pour le troupeau, comme pour les vagues-moutons, quand la voie se resserre – ici un col, là une baie -, la force et la hauteur des marées sont multipliées.
Il est prudent d’éviter que trop de moutons ou trop de vagues-moutons ne se rassemblent au même endroit.
– Plus les fonds marins qui précèdent la côte sont abruptes, précédés d’une fosse marine comme à Hawaï par exemple (surf), plus les vagues seront puissantes.
On se laisse facilement hypnotiser par les gros rouleaux, ceux des surfeurs ou par le spectacle des grandes marées.
Ils font oublier le travail méticuleux des petites vaguelettes innocentes en apparence.
Mais ces petites vaguelettes œuvrent avec autant de force qu’elles ont de malice.
Ces petites vaguelettes déposent, çà et là, leurs voiles d’écume qui s’agrippent aux sables et finissent par coloniser les plages.
L’érosion produite par les petites vagues est aussi efficace que celle produite par les grosses vagues.
– Enfin, et là, c’est de la poésie : «La mer ramène toujours à la côte ce qu’elle brasse.»
Il est illusoire de croire que ce que l’on jette à la mer à un endroit ne refera pas surface ailleurs.
La mer, aidée par le vent et les vagues, guidée par différents courants invisibles, contrainte par le jeu des marées, renvoie sur les grèves tout ce que l’on voudrait y cacher.
Tous les déchets que l’on y déverse, toutes les épaves qui y pourrissent, toutes les pollutions qui s’y évacuent, tous les malheurs qui s’y produisent, bref la somme immense de toute l’incurie du monde, de tout notre laisser-aller et de tout notre laisser-faire refait obligatoirement surface à un moment où à un autre.
C’est seulement une fois que, à marée basse, la mer s’est retirée, que l’on peut prendre la mesure du mal qui a été initié au loin.
Zeus, Jupiter ? Sans doute aussi préférer l’Iliade à l’Odyssée.
Ne pas se laisser balloter par les vents et leurs Dieux capricieux. Plutôt choisir, nous simples Terriens, comme courant d’inversion de ces phénomènes invasifs, de prendre notre tour, de souffler en nombre de forts vents contraires et de préférer, pour les amplifier, des bergers qui non seulement veulent, mais peuvent, en s’en donnant les moyens, inverser les marées.