Un billet, court, chaque jour.
C’est une expérience assez étonnante que j’ai vécue au cœur de la plus banale des activités : faire son marché.
L’expérience de consommer sans rencontrer ni parler à personne.
J’entre, je remplis mon panier, je pèse mes fruits et légumes.
Pas de bonjour à et de quiconque.
Le comptoir de pesée a été supprimé.
Fini le petit jeune sympa et souriant avec lequel vous échangez toujours quelques mots cordiaux, fini l’employée impassible qui vous sert comme si vous étiez transparente, fini le vendeur que vous croisiez depuis des années et qui prenait un sourire affable pour de la drague (gentillette).
Faites-le vous-même.
Il y a une machine pour cela désormais.
Et pour la seringue, la dernière piqûre robotique : les bornes de caisse.
Carte de fidélité ; bip !
Un article ; bip !
Cinq autres articles ; bip, bip, bip, bip, bip !
Icône : payer
Icône : carte de crédit.
Instruction : utiliser le terminal de paiement.
Ticket de caisse.
Consommatrice fantôme docile.
Totaux inchangés malgré l’absence de tout recours humain.
Le prix du progrès : l’anonymat, l’efficacité.
Facture de la suppression du service.
Achats sans paroles ; bip !
Merci de votre visite ; bip, bip, bip, bip, bip !
Demain, j’irai au marché avec des tas de gens qui bruissent, palabrent, s’agitent, se bousculent.
Qui vivent, quoi !