Un billet, court, chaque jour.
C’est amusant de déambuler sur le pavé aux premières lueurs des matins d’automne.
On y voit toutes les débauches, des déballages, toutes les sortes d’incongruités domestiques.
Un rien, un rien de rien, donne une idée baroque, une lubie rêveuse, une pause excentrique.
Ainsi, ce matin, j’ai pu croiser le fer.
À repasser.
À rêvasser autour de l’objet, posé là, comme un arrêt sur image, le pantalon, négligemment étalé dessus, encore froissé, en attente d’un progrès, d’une transformation, je me suis demandé si, dans une réminiscence de vie douillette, dans une maison, un appartement bien à l’abri des malheurs du monde, un sans-domicile ne se serait pas essayé à reproduire, à mimer, ne serait-ce que l’espace d’un instant, recollant l’objet à l’idée de ces regrettées contingences domestiques, le geste banal de saisir un fer et de repasser.
Cette table, jetée avec indifférence, certainement remplacée par une autre, plus propre, plus moderne, plus neuve, a dû lui attirer l’œil, invoquer, dans un flash, le souvenir d’une vie d’avant, où il y avait toutes ces petites tracasseries à accomplir pour être une personne propre sur elle.
Combien, dans sa vie d’avant, il a dû pester contre cette corvée.
Combien il donnerait, pour, de cette vie d’avant, retrouver cette corvée.
C’était une simple digression, une simple échappée à partir d’un rien, d’un objet de rien.
Une carte postale involontaire sur la vie des autres.
Les autres qu’on voit, et tous ceux qu’on ne voit pas.
Qu’on ne voit plus.