Un billet, court, chaque jour.
Les petits journaux gratuits ont au moins deux utilités chaque matin avant que de n’être sauvagement jetés au rebut. L’un d’entre eux contient deux précieuses rubriques sur lesquelles je me rue avant de m’attaquer aux nouvelles en elles-mêmes, s’il me reste du temps ou encore que le cœur m’en dit.
D’abord le « Saint du Jour ». L’Histoire chrétienne au travers de ses Martyrs, d’extraits de sa pensée, de courtes prières et de brèves, anecdotes, feuilletons ramenés de l’Histoire à nos mémoires.
Ensuite, et c’est là que je vous conduis, la genèse, le parcours étymologique et usagier d’une expression du langage courant.
Ces derniers jours, sur dix expressions passées au crible, trois avaient un esprit optimiste, deux avaient un sens modulable selon le contexte, cinq affichaient un esprit assez négatif.
« Trier sur le volet », après « ne pas faire de quartier » ou « avoir un violon d’Ingres », a retenu toute mon attention.
C’est assez amusant comme une simple rubrique, presque innocemment placée là, fait écho aux réflexions que peuvent susciter certains aspects de l’actualité.
Un « volet », au Moyen-Âge, était un voile qui servait à fabriquer des tamis pour permettre de trier les grains, ce qu’en langage inspiré des Écritures on exprimerait par : « séparer le bon grain de l’ivraie », le bien du mal, le sain du malsain, le pourri du frais.
Par la suite, le « voile-volet » est devenu, par effet de sophistication des outils, une assiette de bois.
Ce sont les femmes qui s’adonnaient à ce travail de tri des pois et des fèves, le « volet » probablement posé sur leurs genoux.
Rabelais accordait une si grande estime aux soins portés par les mains féminines à ce labeur, qu’il en fit une sorte de dignité accordée par Panurge à une assemblée d’amis « tous élus, choisis et triés, chacun respectivement en son état, comme beau pois sur le volet », pour décider s’il devait ou non se marier.
Il porte ainsi l’importance d’une telle décision, à l’avis et aux débats de ses amis. A charge pour lui, de faire le tri, de peser le pour et le contre de chaque argument, avant de trancher.
Retrouver, d’abord dans ses origines de bon sens agricole puis dans son passage, grâce à la belle Littérature, dans le langage courant, la force de l’expression « trier sur le volet », c’est à dire choisir avec rigueur, observer chaque détail avec minutie, permet de transposer le geste à la pensée et de saisir ce qu’il peut y avoir d’utile à s’entourer du meilleur avant le mauvais ou même seulement avant le médiocre.
À chacun de s’armer d’un « volet » pour, par exemple, faire des choix politiques, sans doute avec un « volet » au maillage plutôt fin dans ce cas.
La récolte risque au final d’être bien maigre après coup.