Un billet, court, chaque jour.
« Messieurs, montrez-moi vos lunules ! »
Combien de médecins militaires, à la visite médicale des récipiendaires au Service National, ont vu, à cette injonction, les bidasses baisser leur pantalon…
… plutôt que de tendre leurs mains pour soumettre à leur docte inspection, leurs petits ongles, plus précisément la tache claire qui forme la base de l’ongle.
Cela a dû leur procurer des heures des souvenirs joyeux, hilares au moment de la retraite.
Les lunules qui nous occupent ici, sont celles qu’a étudiées, un génie étonnant : Léonard de Vinci.
Si ses toiles valent toutes les louanges et tous les hommages, le travail intellectuel du Maître toscan défie l’imagination.
Les lunules, portions de surface délimitées par deux cercles non concentriques de rayons différents, étudiées pour leur géométrie complexe par Léonard de Vinci, donnent matière à tenter de se transposer dans sa peau, dans son époque, pour prendre la mesure de son foisonnement cérébral, de l’éclectisme de sa curiosité, d’une volonté acharnée à comprendre la mécanique des choses, des plus simples aux plus sophistiquées.
Au Louvre, dans les vitrines de la riche exposition qui lui est consacrée, se déploie un certain nombre de ses travaux de recherches.
Fascinant.
Fascination absolue pour qui se plonge dans les études du plus complexe des Italiens.
Son insatiable envie de savoir, de connaître, de comprendre, de découvrir, d’explorer, de réfléchir une palette gigantesque de sujets, qui se retrouve dans le moindre recoin de page où pas un millimètre carré n’est laissé vide.
Ses croquis, ses schémas, ses dessins sont d’une précision impressionnante.
Son écriture, à l’envers, tient de la minutie de souris.
Cette intensité intellectuelle, à une époque où les instruments scientifiques étaient peu nombreux et sommaires, laisse pantois.
Pantois devant la somme d’heures de travail que tous ces documents laissent présager.
Se poster devant toutes ces merveilles, imaginer, construire la scène dans son esprit, d’un Maître, penché sur sa table de travail ou en arrêt devant un arbre, le regard démesuré tentant de saisir la face cachée de toute chose.
Relever la tête, tourner les yeux vers la « Vierge au Rocher » et saisir, soudain, qu’au-delà des à-plats de couleurs, toute l’architecture de la composition, le moindre angle, la moindre ombre, le plus ténue des traits de lumière sont le fruit puissant d’un travail scientifique qui ne laisse presque rien au hasard, qui cherche la quadrature : à résoudre l’impossible.
Un autre sujet de réflexion pour médecins, militaires ou non, à la retraite ou non.