Un billet, court, chaque jour.
Quelle n’a pas été mon émotion ce matin en écoutant ce message vocal égaré par erreur sur ma ligne.
Une voix de père de famille. Une voix tendre mais usée.
Usée de quoi ?
Probablement par une vie dure, quelque part, là-bas, avec un léger accent du ch’nord.
Une voix qui raconte une somme de déceptions, d’aléas, de blessures.
Une voix avec des accents, ténus, d’une jeunesse pleine de promesses non tenues.
Usée par la « galère » comme disent les brillants sociologues naphtalinés.
Une voix un brin chevrotante de remords, de culpabilité ; d’avoir oublié.
Un timbre un peu larmoyant, presque implorant.
La voix s’excuse :
– « J’t’e demande pardon, j’t’ai pas souhaité ton anniversaire. »
La voix ajoute, accompagnée de sanglots qui ne peuvent plus se retenir :
– « J’t’aime, t’es ma fille ! »
La voix s’échoue :
– « J’regrette. »
Silence.
Silence.
Et le tout raccroche.
L’apogée de mon émotion s’est trouvée là.
Dans ce silence d’impuissance qui hésite à raccrocher, à entrer dans l’attente, l’attente de la voix d’une fille chérie dont l’amour, manifestement, n’est plus qu’un fragile espoir.
Ne vous inquiétez pas.
Je ne pouvais que faire cela.
Par respect, avec pudeur, pour autant de peine en si peu de secondes.
J’ai écrit un mot gentil à cet homme, lui expliquant son erreur et lui souhaitant, doucement, de tout cœur, de parvenir à joindre sa fille.
Sait-elle seulement, sa fille, Julie, que dans son désarroi immense, conscient de son impuissance, cet homme s’y prend du mieux qu’il peut pour l’aimer ?