Un billet, court, chaque jour.
Victor Hugo disait de son ami, Gustave Flaubert, né un 12 décembre, il y aura bientôt presque deux cents ans :
– « Vous êtes un de ces hauts sommets que tous les coups frappent, mais qu’aucun n’abat. ».
Dans deux ans, ainsi, nous fêterons les deux cents ans de la naissance de ce grand écrivain, de ce maître de la pureté de la phrase.
Ce qui m’incite à plagier partiellement Victor Hugo pour dire :
– « Vous êtes un de ces hauts sommets de la langue française qu’il est bien difficile d’atteindre. ».
Pour cette maîtrise de la phrase, il faut, comme l’auteur de « Madame Bovary », gueuler son texte.
– « Flaubert gueule en son gueuloir !»
Il est vrai, de ma maigre expérience, que trouver l’équilibre juste des mots est une épreuve intense.
Dans mon cas, à ce stade, il ne s’agit que de courts billets.
De petits jets qui s’essaient, avec pugnacité, à atteindre une sonorité, un rythme, un style, purs du moins authentiques, en ligne, en harmonie avec ce que l’on attend des mots, ou plus exactement la sensibilité que l’on tente de traduire avec eux.
Le moment de déclamer son texte, aussi humble soit-il, est une épreuve de vérité.
Je le fais à chaque billet.
Entre le moment où les mots s’inscrivent sur le papier et le moment où on les sent suffisamment harmonieux pour les faire vivre par la voix, que de ratures, que de remaniements, que d’hésitations.
Arrive, à force de remettre l’ouvrage sur l’établi, de le tailler, de le polir chaque fois plus finement, l’instant où le texte, prononcé, déclamé, est un merveilleux temps de contentement.
Il est vrai que plus l’écriture est fréquente, plus l’entraînement est intense et va chercher, solliciter tous les muscles de l’esprit qui permettent à la main de tracer des mots sans effort, plus ces mots sont fidèles à la pensée.
Flaubert est bien un sommet à atteindre, à essayer d’atteindre, pour, à travers quelques mots, décrire, donner à sentir, à faire vivre une réalité romancée.
– « Elle acceptait avec ravissement ces adorations pour la femme qu’elle n’était plus. Frédéric, se grisant par ses paroles, arrivait à croire ce qu’il disait. »
Une ligne, saisie au hasard parmi celles de la dernière page de « L’Éducation sentimentale », montre cet équilibre, cet ordre où chaque mot fait cheminer le lecteur dans l’esprit des personnages, une chaîne très cohérente, où aucun écueil, aucun obstacle ne heurte l’esprit.
Si l’écriture se gueule à haute voix, dans les bureaux, dans les jardins, c’est aussi parce la pensée elle-même, dans nos esprits, dans nos cerveaux, se gueule par les mots, cherche et trouve une voie.