Un billet, court, chaque jour.
Samedi de relâche.
Relâche pour les usagers des transports publics malmenés depuis des jours.
Samedi pour les familles.
Détente, courses et ballades de Noël.
En tous les cas pour cette petite famille-là.
Un père au visage heureux qui pilote sa tribu dans les couloirs du RER. Un petit train de joie bien calibré : la grande, la fille, l’aînée, protectrice de ses petits frères, surtout le benjamin ; le deuxième, le moyen, riant avec son père et sa sœur, tenant la main du petit.
Le petit chahutant la patience des trois autres.
C’est peut-être une première fois.
La grande sœur explique pourquoi il faut attendre sur le quai l’arrivée d’une nouvelle rame et que les portes, toutes seules, sans aide, vont s’ouvrir.
Il faut tirer, retenir le tout petit, par la capuche tellement il est impatient.
Le père regarde, admire, jauge tout cela d’un sourire satisfait.
Quel tumulte parmi cette petite troupe quand ils s’engouffrent dans la tête du train pour découvrir, qu’en l’absence de pilote, ce sont eux qui vont prendre les commandes.
Ce tumulte, cette agitation, cette joie neuve, les passagers alentours la partagent soudain. Il se prennent au jeu du jeu.
Ils participent et encouragent.
Je m’y mets aussi.
– « Attention dans la descente ! »
– « Le train prend de la vitesse ! »
– « Freinez ! »
Les conducteurs s’affairent, partagent des conseils, des instructions, des ordres.
Ils rient, s’exclament de concert.
Le père, au spectacle de sa progéniture en effervescence, jubile.
Le train sort du tunnel, le jour, la Seine, un autre tunnel se profile à pleine vitesse. Les cris d’excitation, d’ivresse de ce petit train de joie prennent une note vive, bien sonore qui déferle dans le wagon, submerge les passagers et fait éclore des sourires sur les visages.
Plus personne ne regarde son téléphone, plus personne ne lit, plus personne ne parle ; tout le monde partage, la vision de ces trois enfants-cheminots d’un train sans conducteur, seuls maîtres de leur, de notre, petit train de joie.