Un billet, court, chaque jour.
Le livre de l’année 2019 se refermera demain soir à minuit.
C’est amusant de voir fleurir ici et là dans les journaux les bilans de l’année qui se termine et les perspectives pour celle qui s’ouvre.
Ce qui rassemble les chroniqueurs et prospectivistes, c’est le pessimisme français. Dont il pourrait, semble-t-il, sortir de bien étonnantes réactions.
À ce pessimisme, j’ai tenté de trouver un angle différent d’explication ; elle est venue du bloc-notes d’un philosophe sur le déclin dont la chemise blanche a terni lamentablement.
– « Cette maladie de l’âme, ce désabusement d’une France lasse d’elle-même comme de l’Univers, de ses gouvernants comme de ses syndicalistes, de sa langue comme de son histoire, de son prolétariat comme de sa bourgeoisie , cet épuisement d’une nation qui ne veut plus ni de son roman, ni de ses écrivains, (…) tout cela est si profond (…) c’est à une réforme intellectuelle et morale que nous sommes, en vérité, appelés (…) ».
Cette citation à elle-seule résume assez bien le sentiment de fonds des Français, à ceci près que c’est un intellectuel complètement hors-sol qui le décrète et que c’est aussi le verdict cynique d’un médecin qui est lui-même cause de la maladie.
Les Français ont bien une maladie de l’âme.
Profonde.
Mais physiquement, intellectuellement, ils vont encore, toujours, très, très bien.
L’analyse qui est faite de ce mal ressemble à la pratique de la médecine contemporaine : le moins de contacts possibles.
Consultation, diagnostic et ordonnance en 15 minutes chrono.
Plutôt que de prendre le temps d’une enquête complète, faite justement d’un vrai dialogue pour aller au fonds des choses.
Le charlatan à l’échancrure textile n’identifie qu’une partie du problème.
Le traitement concomitant souvent proposé consiste ainsi à se concentrer sur les symptômes physiques les plus visibles.
Les remèdes prescrits ressemblent souvent à la politique appliquée aux monuments historiques :
– attendre que l’édifice soit en ruine pour le raser, médicalement une ablation ou une amputation.
– entreprendre de monumentales campagnes de restauration plutôt que d’assurer une politique d’entretien courant, moins coûteuse au final. Ce que l’on appellerait de la médecine préventive contre la médecine urgentiste.
S’ils s’attardaient sur le patient, les praticiens, les apothicaires, les sociologues, les philosophes réaliseraient que les Français ne se sentent pas du tout malades.
Que, bien le rebours, c’est à force de l’entendre dire par les Diafoirus de tous ordres qu’ils finissent par y croire.
Petite phrase ici : « Les gens qui ne sont rien. »
Petite phrase là : « Des Gaulois réfractaires au changement. »
Petites phrases de ministres sans jugeote et de porte-parole binationaux dévoyés.
Bien d’autres, plus loin encore dans les mandats, dans le temps et continûment dans les médias.
Les Français vivent sous le feu nourri, quasi permanent, de la critique, des remontrances, des sermons, des quolibets, des insultes de doctes carabins.
Même les généraux les plus aguerris et vertueux n’y échappent pas.
À ces carabins de garde, aucune vergogne pour les freiner.
Les Français sont malades de l’ombre portée de cet esprit, de cet esprit de caverne, qui se confit dans les salons, ne connaît presque rien du monde extérieur, se gonfle de théories et de tableurs, n’est qu’un simulacre, n’a que l’apparence de la science qu’il prétend avoir.
Tous ces laborantins, ces savants dictent des dérivatifs qui prennent un temps l’apparence d’un remède, mais sous lesquels les plaies françaises s’agrandissent et à cause desquels la constitution fondamentale du pays s’étiole et meurt.
Ils veulent des paroles élevées, on leur propose des circonvolutions charabiesques.
Ils veulent des potions personnalisées, on leur en propose de miraculeuses édictées ailleurs par des savants méconnaissant leur microbiote.
Ils veulent un horizon, mais on leur limite cet horizon en leur serinant qu’ils sont handicapés.
Les Français sont avant tout malades de leurs médecins qui condamnent, flétrissent, purgent, appareillent, réécrivent leur histoire, leurs gènes et leur généalogie.
Il y a par exemple, comme une perversion narcissique, à centrifuger d’une main un ADN culturel judéo-gréco-latino-chrétien et de l’autre titiller ce même moteur moral : amour du prochain, souffrance rédemptrice, expiation des péchés pour faire passer en intramusculaire une immigration débridée, des succédanés culturels, des régressions sociales majeures, des coupes budgétaires iniques.
Et si c’étaient eux, les Français, qui, pour une grande part de leur complexion, de leur constitution, de leur rythme cardiaque, de leur pression sanguine, de leur squelette, de leur motricité étaient parfaitement sains de corps et d’esprit.
Il faudrait alors regarder ailleurs, dans les prétoires qui ne jugent plus, chez les déséquilibrés à l’air libre et aussi sous les chemises blanches, qui sont les malades véritables, certainement extrêmement contagieux ; à placer en quarantaine à n’en pas douter.