« Cara Italia »,
« Chère Italie »,
Les nouvelles qui viennent de ta plaine du Pô, de ta Venise, de ta Ravenne et de tes autres provinces ne sont pas bonnes.
Tu as vécu hier, jeudi, ta pire journée de guerre face à ce virus qui, en Europe, t’a attaqué en premier avec le plus de rage, de vigueur et de détermination meurtrière.
Sera-ce la dernière ?
Il faut l’espérer de tout cœur.
Il est établi, qu’ici, en France nous ne sommes pas sur une meilleure pente, mais il serait indécent de ne se préoccuper que de notre petit destin hexagonal quand le tien est si tragiquement assailli par une toute, toute petite molécule qui a défié, trompé toutes les vigilances, tous les grands esprits, toutes les arrogances.
Pour écrire ces quelques lignes, j’ai inventorié tout ce que mon esprit, ma mémoire et mon sens esthétique du beau comptent d’Italie.
J’ai rassemblé sous mes yeux tout ce qui, créé par le pinceau, par le crayon, par le burin, par l’équerre de tes artistes de génie, force mon admiration.
Antonio Vivaldi rythme ma plume de ses concerti pour luth, pour mandolines.
Ses notes rappellent celles tout aussi nobles des Albinoni, Verdi, Pergolesi et Puccini. À chaque note, à chaque accord, s’élève autour de moi, remplit l’espace, la joie pétillante, la joie atavique et profonde de ta péninsule.
Sans être une experte, cette joie, cette fantaisie, cet appétit de vivre se retrouvent dans les mélodies modernes des Lucio Battisti et Adriano Celentano.
Ah ! Quand une salle reprend en cœur « Il ragazzo della via Gluck » !
« Cara Italia »,
« Chère Italie »,
De l’Antiquité à nos jours, que serait l’Histoire du Monde sans toi ?
Certes, la famille Polo, Marco en tête a ouvert la Route de la Soie vers la Chine qui, du coup, vous le rend malheureusement bien aujourd’hui.
Mais que serait la Démocratie sans Rome, la politique sans Machiavel, l’administration moderne sans les Offices, la Chrétienté sans vos Papes, la Littérature sans Dante, la Peinture sans Raphaël.
Quelle plus belle langue Mozart, avec Lorenzo da Ponte, aurait-il pu mettre dans la complainte de la Contessa di Almaviva ? Nos cœurs chavireraient-ils autant si la douceur de votre langue ne portait pas si bien « Soave sia il vento » ?
Pinocchio et les Ours de Sicile ne feraient pas rêver des milliers d’enfants de tous âges.
Tous les défilés militaires se ressembleraient sans celui de vos Bersaglieri.
Sean Connery serait resté James Bond et n’aurait jamais eu à résoudre l’énigme de la Rose.
Au plus proche, vers nous Français, combien profondes et anciennes sont les racines de notre Culture que nous partageons avec vous, combien nous devons à vos artistes, à vos princes et princesses ou à quelques unions ?
Pas de Chambord, ni de Joconde au Louvre sans de Vinci.
Pas de dynastie royale française sans Catherine et Marie de Médicis.
Pas de Zola, de Bosco, de Giono sans pères italiens.
L’Amérique n’aurait pas été ouverte au monde sans Christophe Colomb et Amerigo Vespucci.
Londres n’aurait pas de Rue des Lombards et peut-être pas de City.
La pizza serait restée napolitaine.
Et je n’aurais aucune raison de faire pousser du basilic sur mon balcon pour tenter d’approcher, difficilement, le pesto de Gêne.
« Cara Italia »,
« Chère Italie »,
Tu subis le plus dur de toute l’Europe.
La première, tu essuies les foudres et la tempête.
Toute l’Europe suit ton exemple, s’inspire de ta dignité et de ton courage.
Tu as beaucoup à nous dire, à nous montrer.
Nous te devons beaucoup de respect, d’empathie, de soutien et d’amitié.
Va, pensiero, sull’ali dorate;
Va, ti posa sui clivi, sui colli,
(…)
O t’ispiri il Signore un concento
Che ne infonda al patire virtù!
Forza !
Coraggio !
Magnifico !
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