
Un « simple » gâteau ?
Non. Un moment d’excellence.
À l’heure où l’expression « premier de cordée » est devenue à la mode, il m’a semblé que cette merveille, cette complexité achevée de la pâtisserie française, dans les mots mêmes utilisés dans l’incipit de ce billet, méritait quelques moments de réflexion.
Ne serait-ce que pour la quantité et la qualité de travail, pour les années de perfectionnement individuel et collectif que ce chef d’œuvre sucré suppose, mais aussi parce qu’il métaphorise particulièrement bien ce que la société française demande pour renaître : défendre une civilisation d’excellence.
« Excellence » et « premier de cordée » vont de pair, fonctionne ensemble parce que la légitimité a pour socle, pour fondement l’exemplarité, qu’elle en est le fruit.
Quand bien même, tout le monde n’a pas les aptitudes, les ambitions, la volonté ou même le tempérament, pour se hisser aux premières places, il faut, en haut de la chaîne, des moteurs, des modèles, des gagneurs.
Une réussite, autant individuelle que collective, ne peut se mouvoir que dans cette dynamique vertueuse.
Ceux qui excellent, ceux qui mobilisent tous leurs talents et l’énergie de tout une vie, souvent au prix de beaucoup de sacrifices, ne sont pas la cause de l’échec des autres. Bien au contraire, ils contribuent à réduire la part marginale de l’échec.
Leur excellence tire « toute une cordée » en montrant l’exemple, en entraînant, même à minima, les plus paresseux ou les plus timorés d’un groupe donné.
Appliqué au modèle de la course à pied, dans une compétition, la vitesse moyenne augmente à proportion, non seulement des plus rapides, mais aussi de ceux qui sont parvenus jusqu’au bout, même à une vitesse réduite, sans abandonner.
La vitesse moyenne s’effondre dès que l’on prend en compte ceux qui sont restés sur le bord du chemin.
Pour en revenir à ce délice, ce dessert, dont la technicité se découvre à chaque croque, à chaque saut de papille, en plus du mérite d’être parfait, d’offrir un moment plaisir gustatif qui durera bien au-delà de l’assiette, a pour vertu d’inciter autant la simple ménagère que l’apprenti, autant le badaud devant la vitrine que le curieux, via les réseaux, à l’autre du bout du monde, à une pareille excellence.
Peut-être que ce Pâtissier, Meilleur Ouvrier de France, restera inégalé dans la réalisation de ce « Petit Antoine », mais son œuvre inspirera non seulement les palais les plus ordinaires à ne pas tomber plus bas, mais aussi tout une flanquée de pâtissiers à domicile ou en devenir, à s’améliorer de façon semblable.

Après ce Pâtissier, tous les métiers, toutes les activités peuvent s’inspirer de cette dynamique.
Il faut pour cela que leurs leçons drainent autant nos modes de pensée que les discours de ceux qui se sont donnés pour métier de conduire la destinée des autres et des peuples.
Pour redonner à l’expression « premier de cordée » son sens fédérateur, altruiste et non la pervertir en déniant, à beaucoup, la possibilité de pouvoir s’y agripper.
Pire encore, dans l’usage provocateur que l’on peut faire de l’expression, c’est de passer la corde de l’excellence à ceux qui le méritent le moins, à ceux qui s’évertuent à en flétrir les règles et les valeurs, à ceux qui veulent que la médiocrité, la paresse et l’amertume servent de nouvelles ambitions destructrices, qui bafouent voire cherchent à nuire à ceux qui se battent pour se maintenir en lice.
En France, « nous avons tous besoin d’excellence », de perpétuer ce que des siècles d’ingéniosité, de créativité, nous ont offert de fierté en héritage : des marches posées par les génies et les meilleurs du passé pour gravir celles de l’avenir.
Pour y parvenir, nous avons besoin, dans quelque domaine que ce soit, de l’exemplarité, de la vitrine de tous les premiers de cordée comme tous ces Meilleurs Ouvriers de France.
Et d’être défendus par le premier d’entre eux : le « MOF ex officio ».