
Il faut déclencher la musique ici, avant de commencer à lire.
« Sonnet, l’Hiver , attribué à Vivaldi »
Traduire le réel en notes.
Tel est l’art du musicien.
Alors que le froid nous assaille et pousse à nous calfeutrer en nos masures, les notes de Vivaldi font jaillir l’hiver de nos sens à commencer, par l’ouïe, qui de mesure en mesure poursuit la poésie des accords.
Il faut vivre ce concerto en ne faisant qu’un avec le violon solo, ses trilles et les emballements des autres cordes, sans perdre une note de la mandoline qui bat une mesure gaie dans la tourmente.
Blanches, noires, croches et double-croches virevoltent comme les flocons, comme le souffle coupant de la bise glacée qui arrête le nôtre.
Aux trépidations des notes répondent les saccades, pizzicato, à cordes pincées, du sonnet :
– Trembler violemment dans la neige étincelante,
Au souffle rude d’un vent terrible,
Courir, taper des pieds à tout moment
Et, dans l’excessive froidure, claquer des dents ; »
Les battements du cœur mis à mal par l’allegro non molto, tempèrent leur enthousiasme sur le largo.
Sur la dernière note, il est permis de souffler.
Même de se reposer, de se calfeutrer dans la chaleur du tempo et le crépitement du feu.
Avec un peu d’imagination, il serait presque possible d’humer le parfum du bois léché par les flammes et de la cendre chaude.
Serrer, peut-être, une main amie.
– « Passer auprès du feu des jours calmes et contents,
Alors que la pluie, dehors, verse à torrents ; »
Le répit n’est que de courte durée. Il faut repartir, à l’allegro, à l’assaut du froid.
– « Marcher sur la glace, à pas lents,
De peur de tomber, contourner,
Marcher bravement, tomber à terre,
Se relever sur la glace et courir vite
Avant que la glace se rompe et se disloque.
Sentir passer, à travers la porte ferrée,
Sirocco et Borée, et tous les Vents en guerre.
Ainsi est l’hiver, mais, tel qu’il est, il apporte ses joies. »
Dans le moment du violon, sentir les secondes d’hésitation, puis le courage monter avec le sang qui se réchauffe.
Se moquer, rire du froid, virevolter les bras ouverts à la beauté.
Marcher doucement sur la partition neigeuse et glacée, voir éventuellement, une biche aventureuse sortir du hallier, hésiter, humer l’air, sentir votre présence et partir à toutes jambes dans l’horizon où le soleil tombe.
Dans le rêve.
Avec la dernière note.