Odyssée 2021 (#49) – « Sans mots : les maux »

Il faut déclencher la musique ici, avant de commencer à lire.

Cantique de Jean Racine – 1865 – Gabriel Fauré

À l’écoute de cette pièce vocale, de ce cantique, en quelques minutes, laissez-vous aller à dénombrer le nombre de mots différents qu’il faut avoir à sa disposition pour pouvoir décrire, exprimer, partager avec justesse, avec précision, la délicatesse du jeu de l’orchestre, le transport divin des voix, l’émerveillement, le plaisir et l’émotion ressentis.

Comment, faute de mots, de vocabulaire étendu, identifier, définir, exprimer, la palette complexe et pléthorique des situations et de sentiments humains.
Impossible.
Même le langage des signes, pour ceux qui n’ont ni l’ouïe, ni la voix, offre cet outil de cheminement de la pensée, du cortex, au cœur, jusqu’aux lèvres que deviennent alors les mains.

Le dire, l’écrire mais avant tout le penser.  Il faut des mots pour cela.  Et les mots s’apprennent.  Souvent facilement.  Et tout aussi souvent ardûment.  À coup de relectures multiples, d’effeuillage de dictionnaires, de questions, d’explications.

Quelle merveille cependant, comme pour la belle note entendue, un pincement de harpe, une volute de clarinette, de saisir par l’esprit et d’entendre résonner le mot idéal qui fait jaillir par la parole ou par la plume, la pensée, l’émotion.  La compréhension.  L’expression des maux heureux, ou malheureux, de l’âme.

De trois cents mots vers deux ans, une personne au cursus scolaire moyen, en acquiert jusqu’à 26 000 en 3ème, vers l’âge de 15 ans.
Honoré de Balzac en maîtrisait environ 50 000, quand un dictionnaire courant en dénombre jusqu’à 60 000.

Ces mots s’attrapent, s’apprennent, se décryptent, s’apprivoisent au fil des conversations, des situations, des apprentissages, des expériences de toutes sortes, comme l’écoute de cette pièce de musique en hommage à cet hymne des matines écrit par Jean Racine.

Il semblerait que, dans les agora pédagogistes, après les éditeurs eux-mêmes, soit envisagé de réécrire en langage courant du XXIème siècle, les pièces de Molière.

Comment traduire la réplique de Maxime, dans l’École de Femmes :
– « Elle ne doit se parer
Qu’autant que peut désirer
Le mari qui la possède :
C’est lui que touche seul le soin de sa beauté ; »

En langage d’aujourd’hui ?
– « Elle ne doit se faire belle
Que si ça plaît
Au mec qui l’a mariée :
Y’a qu’à lui que ça émeut ; »

Comment comprendre, en renonçant aux exigences de la belle langue, à sa puissance poétique, en effaçant toute aspérité, tout effort d’élévation, en gommant tout ce qui ne correspond plus à nos modus actuels, à nos grilles de lectures, les logiques du passé, par lesquelles, avec lenteur, nous nous sommes civilisés aujourd’hui.

Comment élever les âmes, comment permettre, même aux pires haines de se déverser autrement que par la violence, les injures, les raccourcis et les armes, si on les prive de mots.

– Que tout l’enfer fuie au son de Ta voix ;
Voilà l’un des vers chantés dans cette pièce de Gabriel Fauré, l’Appaméen, l’Ariégeois, compositeur des beautés de la Terre et des Cieux ?
– Que tous les maux fuient au son de tes mots ;
Pourrait-on reprendre aujourd’hui.

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