
Camille Pissaro a peint Pontoise et son voisinage des milliers de fois. Sans jamais s’en lasser ; renouvelant à chaque toile, le dialogue tripartite entre le regard, les émotions et les scènes de campagne.
De son pinceau, il arrête les aiguilles du temps, fige, touche après touche, son cours inexorable.
Alors, l’espace, en apparence unifié de la toile, se scinde en différents espaces-temps.
Libre au spectateur de se désolidariser de l’ensemble et d’aller rejoindre l’une de ces niches.
Et d’y chercher l’émotion saisie par l’artiste.

Si la lumière irradie les teintes, accentue les ombres de cette scène rurale, elle n’oublie pas, elle va la chercher même, de prêter une tendre attention à la plus délicate des béatilles de la Création : l’enfant ; en l’occurrence ici, une fragile petite fille en béguin.
Si les émotions du peintre pointent les unes après les autres sur l’ensemble de la scène, aucune des touches n’accentue à ce point l’émerveillement devant l’innocence, devant cette frêle demoiselle dont on sent le besoin de protection, en devinant cette menotte tendue vers les jupes de sa mère.
Une « béatille » est un objet de dévotion.
Toute la foi du peintre, par le relais des deux villageoises aux visages tournés vers l’enfant, se concentre sur cette innocence, sur cette page blanche – elle est la seule à concentrer franchement cette couleur -, où tout ce qui l’entoure, des deux femmes au reste du village, de la verdure aux frondaisons, écrira un fragment de son histoire.
Par sa place dans le tableau, l’artiste nous interroge sur la place à donner, à conserver à l’innocence ; dans le présent et dans l’avenir.