
« Il dit non avec la tête
mais il dit oui avec le cœur
il dit oui à ce qu’il aime
il dit non au professeur »
Ce sont les vers qui ont émergé de ma mémoire au moment où, dans une conversation, un père se plaignit des jérémiades de son fils à propos de l’écriture.
– « À quoi ça sert ? »
… de recopier des lettres ?
Nous y sommes ! À moins que la question ait été déjà posée des centaines de fois par des écoliers récalcitrants.
La langue tirée, toute l’attention penchée sur le cahier « Seyès », instrument de torture génialement conçu à Pontoise en 1892, par un libraire-papetier éponyme ; Jean-Alexandre, de son prénom.
Pour que cela fonctionne, pour que le cœur soit à l’ouvrage, sinon à la peine, du moins à la tâche, il faut y dire « oui », avec le cœur.
Et le cœur dit « oui » lorsque l’esprit comprend le sens de l’action ; vers quoi il tend.
Et donc : « À quoi ça sert de recopier des lettres ? »
À apprendre ! Oui, écrire, tracer des lettres pour les connaître, les reconnaître, se faire relire, lire ; lire un mot, lire une ligne, lire un texte, un livre, une étiquette, un emballage, un panneau-indicateur, un mode d’emploi, un programme électoral, un texte de loi.
Pour pouvoir happer par la plume, les mots qui, sinon, s’envolent et disparaissent. Écrire une dictée, écrire une carte de fête à sa maman, un mot d’amour à son amoureuse, une lettre de réclamation aux impôts !
Mais nous y sommes !
– « À quoi sert de se donner tant de mal, puisque les lettres sont déjà parfaites sur le clavier ou sur l’écran ? »
A-t-on lu à cet enfant, ne serait-ce que quelques lignes, d’un texte dont la qualité lui irait jusqu’au cœur et qui dont il tirerait des fils d’envie jusqu’à vouloir le lire par lui-même et, pour réussir cela, maîtriser d’abord lui-même l’écriture ?
A-t-on expliqué à cet enfant que la magie ne vient pas de l’extérieur, mais de lui-même, de ce travail ardu, répétitif et besogneux qui, un jour, à longueur de force et de rage, produira la page parfaite, sans hésitation, ni rature qui fera l’admiration de tous. Que cette même magie lui donnera accès, librement, sans obligation et surtout, sans plus aucun effort, à toute la production de l’imagination et du génie humain ?
Il faudrait sans doute lui faire connaître la Maison de Balzac, pour qu’il puisse y admirer les magnifiques manuscrits de l’auteur de la « Comédie Humaine », et peut-être même, simplement, avant cela, lui expliquer sobrement, qu’un jour, quelque part dans l’Histoire, un homme, des hommes et des femmes, ont imaginé, à partir d’un roseau et quelques liquides extraient de plantes, de tracer des signes qui auraient du sens pour tous.
Eux, les ont appris en les créant. Lui, les apprend en les copiant.