À l’âge où, en principe, on fait lire le roman « Les Croix de Bois » de Roland Dorgelès, il est impossible de mettre des images vraisemblables sur les mots.
Peu à peu, la culture se forme, s’accroît la représentation des scénarios.
Mais seule l’imagination fait le travail.
À l’âge où, en principe, on lit tout en croyant savoir suffisamment de choses pour se contenter de ce qui est écrit, où l’on tient pour certain la représentation en images des mots, il reste possible de se faire surprendre.
Pas à pas, la culture se rigidifie, s’appauvrit la représentation des scénarios.
Alors, il faut de l’aide à l’imagination pour faire son travail.
C’est ainsi que la bande dessinée opère sa magie.
Le confinement aidant, à ménager plus d’espace pour une densification de la lecture, la redécouverte des romans connus, des biographies sues, ou tenues pour tel, par le medium de l’image, a réveillé l’intérêt pour grand nombre de récits.
– « L’Étranger », d’Albert Camus
– « Romain Gary », « Charles de Gaulle », …
– « Sapiens, la Naissance de l’Humanité », extrait de « Sapiens : Une brève histoire de l’humanité » de Yuval Noah Harari,
Et les « Les Croix de Bois » de Roland Dorgelès.
L’image, le dessin oblige à réécrire un peu l’histoire, à aménager la trame d’origine, pour saisir l’essentiel.
Pour « Les Croix de Bois », l’accent est mis sur le contraste entre le tempérament solitaire de l’auteur et la camaraderie, dans l’horreur des tranchées, des « Poilus ». Certains passages sont mis en relief, et, aussi le vocabulaire si cru, si cruel mais si vrai, de « Ceux de 14 ».
– « Une marmite de 88 ! » Qu’est-ce que cela peut représenter à douze ans ?
Là, dans cet album aux teintes trichromes, la bataille se met en mouvement, la mitraille vous attaque en images.
L’esprit retravaille alors, refait le chemin entre la lecture initiale, le cheminement intermédiaire et la nouvelle mise en scène. Et c’est tout un imaginaire qui se secoue, repart et produit.
Guillemette Callies 