Odyssée 2021 (#120) – « Les rouages d’une même volonté »

Une chronique récente évoquant la construction de la mémoire dans l’enfance (Odyssée 2021 (#118) – « L’enfant en soi») ont conduit à exhumer des grimoires quelques lignes simples, humbles et inspirantes : celles d’une lettre d’Irénée de Lyon, Père de l’Église.

« Je me souviens mieux de ce temps-là que des événements récents, car les choses apprises pendant l’enfance grandissent avec l’âme et ne font qu’un avec elle. Ainsi puis-je dire en quel endroit le bienheureux Polycarpe s’asseyait pour parler, ses entrées et ses sorties, sa manière de vivre, son aspect physique, les entretiens qu’il faisait à la communauté, (…) »

« car les choses apprises pendant l’enfance grandissent avec l’âme et ne font qu’un avec elle »
Voilà qui illustre autrement la criticité de ce à quoi les enfants peuvent être exposés.  C’est un lieu commun de dire qu’ils sont des pages blanches, c’en est un moins commun que de veiller autant à la qualité de ce qui leur est transmis qu’à la manière dont, et donc par qui, elles le sont.

« sa manière de vivre, son aspect physique, les entretiens qu’il faisait à la communauté »
L’acquisition de tout savoir ne peut se distinguer de celui qui transmet.  La pédagogie de la transmission est affaire d’exemplarité mais aussi d’admiration.  On en revient au « qui ».

Les « choses » et la « manière » sont les deux mamelles par lesquelles l’enfance doit être alimentée.
Pardon au Duc de Sully d’écorner ainsi son principe d’économie mais il est des antiennes que l’on peut s’autoriser à aménager.  Il y a toutefois un parallèle bien utile à établir entre les principes du Surintendant des Finances d’Henri IV et l’éducation, en particulier contemporaine.  Henri IV prit conscience de l’arriérisme de la France.  Il s’adjoignit pour cela les services du Duc de Sully qui fut, avec un succès bien relatif, à la désincarcération de la paysannerie du système féodal ce que furent les Falloux et Ferry à la démocratisation et à l’industrialisation de l’instruction publique.
Et Jules Ferry de suivre la ligne d’Irénée dans sa « Lettre aux Instituteurs » du 27 novembre 1883 :
« On a compté sur vous pour leur apprendre à bien vivre par la manière même dont vous vivrez avec eux et devant eux. »

On peut citer pour conclure, une phrase d’un autre père de l’Église, Vincent de Lérins :
« rien de nouveau n’apparaît chez l’homme âgé qui auparavant n’ait été caché dans l’enfant. »

« Patristique catholique, dogme républicain sont les rouages d’une même volonté de progrès, dans le sens le plus noble du terme : que chaque chose s’accroisse en demeurant elle-même, qu’elle, comme un corps, se déploie et s’étende en proportion sans en altérer ses qualités, sa nature, premières. »

Croyant, athée ou laïciste ; on ne peut que se rendre à l’importance de ces préceptes sur l’art d’ensemencer les terres vierges que sont les esprits des enfants de savoirs nutritifs, par des manières exemplaires, sans en dénaturer l’âme ancestrale.
Ils ne semblent pas que ces préceptes puissent être jamais être qualifiés d’arriérés.  Un peu méprisés, ils vaudraient même à être remis au rang des priorités du jour.

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