
Tout le monde connaît cette antienne :
– « Je suis tombé par terre, c’est la faute à Voltaire
Le nez dans le ruisseau, c’est la faute à Rousseau
Je ne suis pas notaire, c’est la faute à Voltaire
Je suis petit oiseau, c’est la faute à Rousseau »*
Elle a fait son chemin !
Tout système à son Gavroche. Mais le Gavroche de cette navrante histoire n’est pas un garçonnet ; c’est un pays : la France.
Et celui qui lui tire dessus, c’est son plus haut Magistrat.
En flinguant son image, il flingue celle de tout un peuple.
Ainsi, le danger n’est pas toujours, uniquement, là où on l’attend et les armes à la main.
Le dernier bouffon de roi connu avait pour nom « Angély » et s’est partagé entre le règne de Louis XIII et de son fils Louis XIV. Il faut noter que les bouffons ont disparu juste avant les rois.
Serait-ce un signe de l’Histoire dont il aurait fallu, et faudrait, s’inspirer ?
Lorsque l’on rit, on gonfle les joues, on « buff » ; on « buffonne » pour devenir ainsi, en langue française, un bouffon.
Un bouffon a pour métier de « buffonner » les joues, en particulier celles du roi.
Pour ce qui est de l’épisode de « Mcfly » et « Carlito » (dont j’ai déjà parlé dans le #56 de cette Odyssée 2021 : « C’est bon de rire ! »), le plus navrant, c’est que cela n’a fait rire personne.
Erasme, qui n’avait pas le zygomatique facile, évoque les antagonismes du bouffon.
Leur rôle positif :
– « Les plus grands rois les goûtent si fort que plus d’un, sans eux, ne saurait se mettre à table ou faire un pas, ni se passer d’eux pendant une heure. Ils prisent les fous plus que les sages austères, qu’ils ont l’habitude d’entretenir par ostentation… les bouffons, eux, procurent ce que les princes recherchent partout et à tout prix : l’amusement, le sourire, l’éclat de rire, le plaisir. »*
Leur rôle critique : celui de révélateur, de miroir grotesque.
S’ils revenaient aujourd’hui, à cette scène surréaliste, saisie dans les salons dorés du Palais de l’Elysée, Erasme, et « Angély », observeraient que l’art de se servir du ou de se faire servir par le ridicule s’est à ce point perdu, qu’il est devenu, non pas le faire-valoir de l’assurance ou le révélateur de la faiblesse du Prince, mais bien plutôt le signe flagrant du mépris absolu du Prince pour le Peuple qui l’a porté au pouvoir.
Le mépris de la fonction pour laquelle il a sollicité et obtenu les suffrages.
Cela aurait pu être excusé si cela avait été une maladresse anecdotique ; une boulette. Mais il s’agit là du énième épisode du genre commencé avec des types peu recommandables, en sueur, agrippé à sa chemise.
Si « Mcfly » et « Carlito » ont joué, à grand frais, et dans leur métier, les bouffons du roi, le « roi » a joué, à nos frais, et à contre-emploi, le « bouffon » de son propre peuple.
Gavroche est mort une seconde fois ; mais pas de rire, hélas !
* Jean-François Chaponnière, 1769-1856
** (Didier) Érasme, 1466-1536, « Éloge de la folie », XXXVI