

Katherine Mansfield – 1888-1923
Ses accroches : des phrases qui donnent le ton de l’histoire.
Ses brèches : des phrases qui font basculer le scénario.
Des mots : placés avec une précision de joueur d’échec pour mettre mat le lecteur qui pensait l’affaire pliée.
George Orwell critiqua le style de Katherine Mansfield, nouvelliste néo-zélandaise, qu’il jugeait « juxtaposé ». Savoir ce qu’il entendait par le terme « juxtaposé » après avoir dévoré la quinzaine de nouvelles compilées dans le recueil « La Garden-Party » laisse perplexe et sans réponse, mais révèle plutôt une certaine mauvaise grâce à reconnaître un authentique talent.
Il suffirait de n’en lire qu’une seule : « Miss Brill » pour saisir que l’on est bien plus proche de Maupassant que de la littérature de gare. La solitude d’une vieille fille au travers de son regard sur une foule de badauds un dimanche dans un parc animé par un kiosque à musique est une peinture fine, du pointillisme à la Seurat. L’illusion de bonheur de cette actrice ratée bascule dans une unique phrase assassine lancée à la volée par un voisin de banc. Tout se joue dans un tour de cou en fourrure de renard décrépite.
Katherine Mansfield plante ses décors et ses personnages avec une acuité et une sensibilité originale, qui convainc d’abord d’un contexte ou d’une psychologie avant de fourvoyer le lecteur dans ses certitudes. Son style est autant poétique que visuel ; chaque nouvelle se lit comme on regarderait un film.
Un recueil et quinze histoires où Katherine Mansfield démontre ligne par ligne sa maîtrise de l’Art de la nouvelle malgré une vie souffrante, tuberculose, et brève, dédiée à l’écriture au petit point compté.