« Duralex » est une marque dont la notoriété est doublement affective. Au-delà de la réussite industrielle qui a fondé une réputation de solidité de ses produits, on pourrait se tenir debout sur l’un de ses verres-gigognes sans qu’il ne se casse, la marque s’est « durablement » inscrite dans la mémoire de centaines d’enfants.
Ce verre a meublé les plateaux et les tables des repas de tous les enfants pensionnaires ou demi-pensionnaires. Il fallait bien une telle solidité pour survivre aux milliers de manipulations maladroites et aux inévitables chutes du plateau. Combien n’ont pas tenu l’équilibre du service à la table.
Quand le poids massif de l’assiette de saucisse-purée suppose une impossible dextérité quand on est pressé de rejoindre les copains à table.
La deuxième source de notoriété est le « chiffre » gravé au fond du verre. Le souci de traçabilité du fabriquant a été subverti pas les malices enfantines.
– « T’as quel âge ? »
Aujourd’hui, dans un restaurant à la mode soucieux de divertir à peu de frais ses convives, le fond de verre indiquait 27 ans.
Après le moment de plaisir né de la reconnaissance de l’objet pour sa contribution aux heures les plus gaies de ma période scolaire, vient celui d’aller, spontanément chercher le chiffre du regard.
27 ans. Quand on le lit petit, cela donne envie d’être grand. On cherche dans ses références qui a cet âge. On tente de deviner ce que l’on sera devenu à ce moment-là.
27 ans. Quand on le lit à mon âge, cela donne envie d’être petit. On aimerait que le chiffre soit encore plus petit. On tente de se rappeler ce que l’on était à ce moment-là.
Le chiffre n’est pas qu’un chiffre. C’est un sésame pour quelques secondes d’imaginaire ; même à contretemps.
Guillemette Callies 