Odyssée 2021 (#178) – « Les risques bobologiques »

Risque de bobologie narcissique

Avec l’attention portée au corps, à son petit soi-même, la course à pied pourrait-être considérée comme une activité égocentrée, narcissique. De la sentence du pèse-personne, aux chutes et blessures d’usure, voilà des risques de ne penser qu’à soi et de sombrer dans la bobologie.

L’alimentation avant-après-effort et les régimes pré-marathon ; les crèmes ceci, les chaussures cela, avec ou sans semelles ; l’hydratation ; les échauffements et étirements ; les programmes d’entraînement ; la récupération ; des heures de discussion possible à tous les temps, à tous les modes.
Il y a aussi les blessures, acmé de ces préoccupations, sans pour autant être liées à l’intensité de pratique. Tous les coureurs entendent ce lieu commun d’un amateurisme consternant :
– « Je te l’avais dit ; c’est un mauvais sport et tu en fais trop. »
Ou pire :
– « Les champions, eux, récupèrent plus vite. »

Ces profanes ignorent la science complexe que développe celui qui s’est blessé ou qui souffre d’une pathologie sportive. Oui : le coureur, comme la plupart des sportifs, conçoit une approche de ces malheurs, des connaissances et leurs applications pratiques, dont pourraient s’inspirer les traités de développement personnel et de management.

Quatre étapes à ce processus.

1- Annonce et pénitence
« Vous en avez pour six semaines ». Cette sentence médicale serait légère si elle n’intervenait généralement la veille d’une compétition consciencieusement préparée ou celle du printemps, quand les jours rallongés et doux autorisent à reléguer au placard les sur-peaux vestimentaires.
Il faut encaisser le choc ; quelques jérémiades ; quelques tentatives de négociations ; quelques larmes. Mais le verdict est sans appel, il faut se résigner.
Un médecin avisé conseillera des alternatives sportives – natation, vélo, marche – pour pallier un effondrement de la vitalité.

2 – Acceptation et raison
Une fois à la maison, radiographies, IRM, ordonnances, attelles, béquilles et autres séances de kinésithérapie en main, le coureur ne peut qu’accepter son sort. La mort dans l’âme, il proclame l’étendue de son malheur.
Soit il vire à un jeûne plus sévère que celui d’un Saint-Jean-de-la-Croix, soit il se jette sur le pot de Nutella. Écœuré, il regarde d’un sale œil ses runnings qui, insensibles, se réjouissent d’un repos inespéré.
Accepter la réalité et la raison : il faut s’adapter.

3 – Volonté et détermination
Le médecin a dit natation ; pour maintenir le cardio, c’est parfait. Le kinésithérapeute a prescrit certains exercices et en permet d’autres ; quelle aubaine.
Dans le brouillard amer de la déception perce un rai de lumière : le convalescent agrippe les outils et leviers de sa guérison. Six semaines, finalement, ce n’est rien. Les faiblesses d’hier, l’accident d’aujourd’hui, seront les forces et atouts de demain.
Application et engagement sont de rigueur. Chaque matin connaît son lot de reconquêtes.

4 – Récompense et patience
Consultation de contrôle : le praticien donne son feu vert pour repartir au grand air avec prudence et modération.
Tout se jouera dans la tête du coureur. Selon les options, x semaines de sacrifice peuvent échouer : retour à la case départ ou réussir : liberté sur les sentiers.
Toute la science du coureur est mobilisée, il carbure à la patience tirée de nappes intérieures profondes dont il ne mesure pas toujours l’infinité.
Dopé par l’annonce salvatrice, il structure un plan de reprise progressif, il envisage défis, courses et nouveaux itinéraires.

Pas de naufrage possible

Ce processus rend caduque les risques bobologiques et égocentriques. Intelligence, raison, volonté et patience, sollicitées et travaillées jour après jour, sont les arcanes de la résilience du coureur.
Cent traités ne vous apprendront pas plus que ces mots.

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