
« Roma città aperta » : « Rome, Ville Ouverte » ; Roberto Rossellini, 1945
Un grand film avec de très petits moyens.
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l’Italie, comme le reste de l’Europe, est en ruine et traumatisée. Il a sans doute fallu une ambition rageuse d’en découdre rapidement avec les séquelles de la guerre pour écrire et tourner ce film, en 1945, dans une Italie qui pansaient tout juste ses plaies.
La petite histoire raconte que Roberto Rossellini s’est servi de pellicules de photographie mises bout à bout en chambre noire pour réaliser « Rome, Ville Ouverte ».
En 1944, alors que les Allemands avaient pris possession de Rome, la Résistance redoubla de combativité.
Pina, enceinte, qui s’apprêtait à épouser Francesco, fait prisonnier lors d’une rafle, meurt sous les balles allemandes en tentant de le sauver. Elle tombe sous les yeux de son fils, Marcello et s’éteint dans les bras du Père Pietro, résistant lui aussi.
Plus tard, Francesco parvient à s’échapper et rejoint, au presbytère du Père Pietro, Giorgio Manfredi, chef résistant communiste pourchassé par la Gestapo.
Sur la dénonciation de sa maîtresse, Manfredi et le Père Pietro sont arrêtés ; l’un est torturé à mort, l’autre exécuté.
Par miracle, Francesco en réchappe.
Au milieu de ses images rendues, par le grain de la pellicule artisanale et le contraste du noir et blanc, à la fois si pures et si dures, un jeu de trois petites phrases, anodines en apparence, marque le crescendo tragique du film.
– « C’est un hiver qui semble ne devoir jamais finir. »
Pina confie à Francesco, à la veille de leur mariage mais aussi de sa propre mort, son angoisse de vivre au milieu de cette guerre, de ces combats et de cette occupation, sans aucune issue perceptible.

– « Mamma ! »
Le cri de Marcello courant vers sa mère qui vient de s’effondrer sur le pavé. Un gouffre s’ouvre pour l’enfant qui a déjà perdu son père, premier mari de Pina.

– « Nous serons toujours ensemble »
Francesco, veuf avant d’être remarié, privé de son enfant à naître, s’agenouille à la portée du besoin d’affection du petit garçon et, par cette simple phrase, barre la route à l’hiver de la guerre, comble le gouffre de la mort et trace la voie du printemps.

Roberto Rossellini parsème et rythme le tragique de l’histoire de petites notes d’espoir. C’est un Italien, un compositeur d’émotions ; un Vivaldi de la pellicule.