Odyssée 2021 (#198) – « Un film à haut risque »

« Désigné coupable » (The Mauritanian), 2021, Jodie Foster

Heureusement qu’à l’issue du film, Mohamedou évoque longuement le pardon ; la nécessité du pardon. Sans cette dimension, sans cette ouverture vers un chemin réflexif altruiste, le seul récit du comportement honteux des États-Unis envers les détenus de Guantanamo aurait offert un film à haut risque : des arguments massifs pour un regain de guerre sainte.

Les paroles de Bob Dylan résume l’enjeu :
– « To get through to the man in me »
Un individu peut commettre toutes les horreurs ou être soumis au pire martyr, il y a toujours un chemin, un moyen d’atteindre l’humain en lui : sa conscience, sa part inaltérable de vérité.

Pour répondre au crime abominable que furent les attentats du 11 septembre, les autorités américaines firent la chasse aux chefs et activistes terroristes pour les conduire à Cuba, au centre de détention de Guantanamo, pour une détention préventive et coercitive illimitée.
Faisant fi de leur propre Constitution, l’Habeas Corpus, qui stipule que nul ne peut être privé de liberté sans connaître les motifs de sa détention et de tous les règlements internationaux, notamment sur les prisonniers de guerre, les États-Unis se sont livrés aux pires tortures pour obtenir des aveux.

C’est la trame du film : Mohamedou, cousin de Ben Laden dont il a reçu des appels et de l’argent, est retenu sans motif déclaré pendant des années et avoue, sous la contrainte d’un protocole de tortures des plus barbares, une totale complicité de cerveau principal dans l’organisation et la réalisation des attentats suicides de 2001 qui firent plus de 3 000 victimes sur le sol américain.
Une avocate prend son sort en main, en parallèle d’un avocat militaire.  Les deux découvrent les conditions de détention et d’obtention des aveux ; ils trouvent l’humain, cette part atavique de vérité : en eux, en Mohamedou, dans les geôliers, dans les tortionnaires.

Le tout dans une atmosphère de vindicte et de désir de vengeance du peuple et des autorités américains.  Mais le Droit prime.  La Justice doit casser l’aveuglement du besoin de vengeance, quelque légitime que ce sentiment soit.

Le risque du film, pour ceux qui refuseraient d’y lire la dimension du pardon, serait de provoquer une colère dans un monde musulman qui conserve intact son goût du sang et que son code juridique, qui lui fait office de théologie, invite à cultiver pour transformer le monde en « ouma ».
Cette dimension, et c’est là l’autre haut risque, le film l’occulte complétement.  Il le justifie même indirectement.

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