Odyssée 2021 (#207) – « Avant – Après »

Dans le film « Adieu les Cons ! », il y a une scène étonnante.  Serge Blin (Nicolas Marié) joue le rôle d’un aveugle qui vient en aide à Suze Trappet (Virginie Efira), jeune femme condamnée par la maladie, pour retrouver le fils qu’elle a abandonné pour adoption dès la naissance.
En dépit de son handicap, Blin, doté d’une mémoire topographique éléphantesque, guide Suze à travers la ville pour retrouver la supposée dernière adresse connue de l’enfant.  Mais ses descriptions, vraies dans sa mémoire, ne correspondent plus à aucun repère encore visible à l’exception d’un bistrot de quartier.
Telle école a disparu, telle échoppe également.  Plus de square où des vieux jouent à la pétanque.
Des enfilades continues d’immeubles de bureaux et de commerces à néons succèdent indéfiniment à des immeubles de bureaux et de commerces à néons.

En 2020, à peu près à la même époque de l’année, j’ai rejoint un ami dans l’est parisien pour courir dans la forêt de Bondy, à la Poudrière et aux alentours.
Il connaît les lieux par cœur ; il y a passé toute sa vie depuis son enfance.  Lui aussi possède une excellente mémoire topographique.
Au détour d’une jolie avenue arborée, il m’indique que celle-ci-, « de son temps », était occupée par de jolies maisonnettes ouvrières.  La plupart à un étage.  Avec un jardinet coquet, utilitaire et potager majoritairement.  Aujourd’hui, ce ne sont plus que des immeubles et résidences lustrées, rectilignes, toutes de parements grège uniformes, augmentés de balcons tout aussi standardisés.

Alors, au fil d’articles criblés sur un media, à la vue d’un double cliché avant-après du quartier de La Défense dans l’ouest parisien, une évidence tragique s’est fait jour : des pans entiers de l’architecture française populaire, du bâti vernaculaire qui n’a aucune correspondance dans d’autres pays, disparaît au profit de mastodontes d’acier et de verre, d’ensembles d’habitations pareils à des milliers d’autres en France et dans le monde.
On rase, on élimine ; on aseptise.
Les clichés du quartier de La Défense l’illustrent parfaitement : le petit, l’humble, le fruit de générations de labeurs acharnés et de privations patrimoniales crève sans bruit.

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