
Terrain de jeu contre terrain de chasse : échange de bons procédés.
Mes pas de coureuse à pied le dérangent de bon matin dans le fouillis du sous-bois dont je fais mon terrain de jeu. Il détale ne me laissant de lui que la brève et vague apparition de son panache roux. Lui, le Goupil, aventure quelques trots, tous les après-midis, avec une ponctualité de gentleman, sur son terrain de chasse, la prairie en lisière de forêt que balaye mon regard depuis ma table de travail.
Reléguant en annexe mes vaines occupations, j’ai risqué une embuscade, à pas de sioux, veillant sur chaque brindille dont le craquement aurait pu me dénoncer. Par extraordinaire, le vent allait contre moi privant ainsi le coquin au pelage roux de me flairer. Pas de bruit, pas d’odeur, j’ai pu, assise dans les herbes, observer de tout mon soûl son mulotage.
Art de l’affût et du quadrillage, application à sonder chaque ourlet de terre, chaque replis herbeux de son museau infaillible, Goupil progresse lentement à travers champs, attendant son heure, sa minute, sa seconde où un mulot, un campagnol imprudent sortira de son abri pour aller ravitailler en campagne.
Soudain, tout s’arrête, rien ne bouge, rien ne bruisse sinon le vent qui masque sa présence.
Gaston Phébus, Comte de Foix, dans son Livre de chasse, eut approuvé la tactique de Maître Goupil : « le chasseur, s’il remplit parfaitement son office, toujours en action, s’en ira tout droit en Paradis. »
Fut-ce un saut, un bond, un jaillissement de tout son corps ? Quelle fut la victime du jour ? Fera-t-elle office de dîner, suffira-t-elle à rassasier le chasseur ?
La proie, dûment serrée entre ses crocs, ne livra pas les clefs du mystère, sinon celui de la besogne accomplie. À la vitesse de l’éclair, Maître Renard fila faire bombance en son repaire.