
« Délicieux » est un beau film, au moins pour trois raisons. Un : les décors, deux : la photographie, sont techniquement et esthétiquement sublimes ; trois : Grégory Gadebois (Pierre Manceron) et Isabelle Carré (Louise) tiennent remarquablement leur rôle.
Voici le synopsis : À l’aube de la Révolution française, Pierre Manceron, cuisinier audacieux mais orgueilleux, est limogé par son maître le duc de Chamfort ! La rencontre d’une femme étonnante, qui souhaite apprendre l’art culinaire à ses côtés, lui redonne confiance en lui et le pousse à s’émanciper de sa condition de domestique pour entreprendre sa propre révolution. Ensemble, ils vont inventer un lieu de plaisir et de partage ouvert à tous : le premier restaurant. Une idée qui leur vaudra clients… et ennemis. (Source : senscritique.com)
Cependant, il y a une gêne et un problème avec la chute.
La gêne prend racine dans un certain parti pris idéologique qui gâche complètement la trame de l’histoire : le passage de la gastronomie privée élitiste à la cuisine populaire . Avoir choisi de l’ancrer dans une lutte des classes, sans même prendre la peine d’en expurger les poncifs et clichés qu’aucun historien digne de ce nom n’accepte encore aujourd’hui, décrédibilise la fiction. Traiter le sujet de façon manichéenne : tous les nobles sont des profiteurs sans foi ni loi, tous les manants sont de doux et justes sujets ; toute la richesse et donc les abus d’un côté, toute la pauvreté et donc l’honnêteté de l’autre, relève d’une déconcertante facilité et d’une coupable mauvaise foi. La guillotine n’a jamais eu raison.

Ce biais met mal à l’aise au point de nuire à l’appréciation de la qualité des décors : la mise en scène du banquet d’ouverture du film donne l’eau à la bouche ; à la finesse des plans photographiques : la masure qui accueille la suite du scénario est filmée avec une lumière d’une poésie toute campagnarde, digne d’un Latour, complice de l’époque de la bougie ; au jeu de Pierre Maceron et Louise : l’un comme l’autre sont bien honnêtes dans cette affaire de goût, de pétrissage, de noblesse dans le geste, mais les dialogues les desservent souvent.
La chute du film, l’ultime scène, qui intervient, coupe, le générique de fin avec toute la distribution, prend des airs de bêtisier. Pierre Maceron et de Louise, amoureux et complices, s’activent à pétrir du pain, s’ensuit une bataille de farine complètement illusoire. On ne comprend pas ce que la scène vient faire là.
Gêne, biais, artifices superflus : ou comment saccager volontairement un beau travail pour être politiquement correct et amuser la – plus petite – galerie. L’ensemble est délicieux mais les détails sont parfaitement indigestes.