Odyssée 2021 (#252) – « Juste pour jouer »

Elle est accrochée comme ça depuis des mois. Depuis la dernière crue de la Seine. Cette galoche, qui garde encore sa forme première et qui la rend encore reconnaissable à distance, surplombe le lit du fleuve et badine avec l’épave d’une péniche. Ont-t-elles un lien ? Au moins celui de leurs états respectifs : l’abandon et la désagrégation.

Est-ce un message subliminal, l’épitaphe d’une pierre tombale : ci-gît quelqu’un ou quelque chose ?
Le naufragé reviendra à bord bientôt, il est en chemin.  Il y eut un marinier à ce bord, il a sombré sans jamais lâcher la barre mais sans manquer de quitter ses grolles devant l’imminence du danger.
De la godasse ou de l’étrave, qui larguera le lacet ou les amarres en premier, l’une pour fossiliser les berges, l’autres pour nourrir la vase.  L’une ballottée par l’air, l’autre par les flots.  Les deux rincées par les pluies.

Le brodequin et la carcasse ont eu leurs heures de gloires, l’un foulant l’autre qui ne gîtait ni de la poupe ni de la proue, jusqu’à ce qu’ensemble ils sombrent.  Ils font face, tant bien que mal, aux affres cruelles du temps qui passe, voisinent du mieux qu’ils peuvent malgré les outrages de la pluie et du vent.

Rien en vue qui les sauve, pas un marin d’eau douce.  Rien que des promeneurs, certains plus curieux, moins indifférents que d’autres, et qui leur prêtent encore vie de leur prose.
Fleuve, cimetière de ceux qui échouent leurs secrets ; fleuve, terrain de fouilles de ceux, archéologues du mystère, qui, par leurs songes, les renflouent.  Juste un peu, juste pour jouer, juste avant l’oubli.

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