Odyssée 2021 (#282) – « Confession testamentaire »

Remerciements & Crédits @ Ulf Andersen, Getty Images Europe & Éditions Denoël

Habituellement, pour aborder Edgar Morin, il faut du silence, de la concentration, un crayon et un dictionnaire à portée de main. Biberonnés que nous sommes à un schéma de pensée réductionniste, penser complexe n’est pas naturel et s’apprend au fil des livres, des essais, de ce philosophe inclassable.

Alors, la simplicité, la simplexité même, de ces « Leçons d’un siècle de vie » prend un peu au dépourvu. Aucune ornière ne fait trébucher la lecture, Edgar Morin nous promène de ligne en ligne sur le chemin, et tous ses détours, que fût sa vie. Cent ans d’une vie pleine et engagée se déroulent en quelques pages, émaillées de-ci et de-là de ses apports les plus marquants à la réflexion philosophique et sociologique. Edgar Morin se livre en mots presque secs, abrupts où émergent de temps à autres des traits de tendresse pour la vie, pour les hommes.

Souvent secs et abrupts, les mots d’Edgar Morin sont empreints de la sagesse d’un centenaire, qui sait que ses jours sont désormais comptés, qui ne craint pas plus les jugements aujourd’hui qu’il ne les craignait hier : il se lègue. Ce texte est une confession sans concession sur lui-même, respectant en cela l’un de ses plus précieux préceptes : « l’autocritique est une hygiène psychique essentielle ». Il offre à ses lecteurs, il transmet, sans part réservataire, les grandes lignes de sa réflexion sur le monde.

Même un profane qui ne se serait jamais confronté à ses thèses sur le nécessaire dialogue entre les différentes disciplines : sciences, philosophie, sociologie, politique, écologie, … peut aborder ces pages et en retirer quelques leçons profitables : tout est interactions dans notre monde, à commencer par nous-mêmes en tant qu’individus. Séparer les problèmes, les étudier en silo en se limitant au rationnel, crée un aveuglement qui pénalise, limite, stérilise notre connaissance du monde. « L’occultation des complexités, c’est-à-dire des relations indissociables entre des composantes différentes relevant de disciplines compartimentées, conduit à l’erreur. » Erreurs qui conduisent à l’état actuel de notre biosphère, aux pires et plus extrêmes réductionnismes éthiques et politiques, aux drames répétés et répétitifs de l’Histoire.

« Leçons d’un siècle de vie » est bien une confession testamentaire. Edgar Morin conclut en nous invitant à prendre la relève de sa pensée : « le fruit conjoint de toutes ses expériences » et nous lègue avec amitié la richesse de faire « coopérer la raison ouverte et la bienveillance aimante ».

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