
Le compositeur Léonard Cohen est mort un 7 novembre. Sans parfaitement connaître cet artiste dont pourtant plusieurs titres hantent d’un suave lyrisme nos mémoire musicales, il y a au moins un titre qui s’invite sans façon, au moins chaque fois que l’humeur se fait romantique et en appelle à des images passionnées.
Ce titre est « Dance me to the End of Love ». Immédiatement, cette chanson aux tonalités tango ramène à une scène extraordinaire du cinéma, dans le film « Scent of a Woman » avec le magnifique Al Pacino dans le rôle-titre. Il y plante un lieutenant-colonel Frank Slade, vieux soldat aveugle mais qui n’a renoncé à rien et surtout pas au plaisir de danser avec une belle jeune fille que la vie et les codes modernes de la séduction privent de son acmé : deux corps enlacés jouant de et sur les notes.
La chanson de Léonard Cohen rappelle cela : « s’aimer jusqu’à la fin de l’amour » ; du moins jusqu’à la fin des notes. Toutes les paroles rappellent comment la danse, puissante, fait dialoguer les corps, les sentiments ; comment elle permet d’oser, de risquer.
– « Montre-moi lentement ce dont je ne connais que les limites. » Danser, c’est apprendre à se connaître, c’est imaginer ce que deux corps pourront ensemble lorsqu’il se toucheront vraiment alors que sur le parquet brillant, ils ne font encore que s’effleurer. Il n’est nul besoin d’être parfait, il est besoin d’être soi et de s’appuyer sur le partenaire : l’autre soi.
C’est ce que Al Pacino-lieutenant-colonel Frank Slade montre à la ravissante Donna. Il n’y pas d’erreur dans la danse, il y a de la démonstration de soi :
– « No mistake in the tango ; not like in life ! If you make a mistake, get all tangled up, just tango on ! »
Les deux partenaires s’accrochent, sont soudés, fusionnés, se guident et se soutiennent. La danse apprend beaucoup de l’autre, bien plus que de longs discours.
Toutes les paroles de Cohen racontent cela : ce qu’au travers d’une danse on dévoile à l’autre, on promet à l’autre, ce qu’on laisse entrevoir comme possible dans un avenir à deux :
– « Dance me to the end of love
Dance me to the children who are asking to be born »
La danse conduit deux êtres l’un vers l’autre parfois pour un avenir aussi bref qu’une danse, à peine le temps d’un rêve ou parfois pour une vie entière, pour un « danse-moi très longtemps ».