
« Mais quand j’arrivais aux Champs-Élysées… »
Ce morceau de phrase est extrait de la page 322 de l’édition complète d’À la recherche du temps perdu de Marcel Proust. Je me devais bien cela en ce 322ème billet de l’Odyssée 2021. Je devais aussi, plutôt que de verser une larme qui serait de crocodile, avoir une pensée littéraire pour Marcel Proust qui suspendit définitivement son décompte du temps un 18 novembre de l’année 1922.
J’ai volé ce fragment de phrase et ai refermé immédiatement le recueil. Sinon, Proust n’aimant pas ponctuer sa prose et laissant sa pensée courir jusqu’au bout de son souffle, il ne me serait rien resté à imaginer ou à écrire.
« Mais quand j’arrivais aux Champs-Élysées… »
Quinze ans. En 1886, Marcel Proust a tout juste cet âge-là en ce jour de juillet où il croise la silhouette, peut-être le regard enfantin, d’une jeune Marie âgée de douze ans. Les Champs-Élysées sont alors, pour partie, un immense jardin où la belle société prend le frais, se montre et fait société.
Lui porte certainement un costume d’adolescent, de lycéen, avec une cravate au nœud poétique. Elle, sans doute vêtue d’une robe à la mode victorienne, blanche peut-être, courte et laissant apparaître les dentelles de ses pantalons.
Un jeune homme fragile et maladif. Une jeune fille en bourgeon, pas encore en fleur. Des amis pour jouer en bande : Antoinette, Lucie, Paul, Maurice.
« Mais quand j’arrivais aux Champs-Élysées… » Marie n’était plus là.
Un jour, Marie ne vint plus. Ce qui était un premier essai, devint un premier échec et un unique amour féminin. Il y a aura d’autres femmes : celles qui tiennent salon et Céleste, sa gouvernante.
Une phrase résume pour toujours sa vie sentimentale : « Enfin, c’était notre jeune homme ! »*
* Maurice Barrès