Inspirer confiance est toujours une surprise et la surprise aujourd’hui fut grande. Mon grand gaillard de stagiaire, qui me ressemble comme la masse du Matterhörn ressemble à la chétive colline de Vézelay, est entré comme une tempête dans mon bureau et a déverrouillé son coffre à confidences.
Avait-il besoin d’un strict opposé ? D’une approche radicalement différente de ce qui lui est servi ordinairement ? C’est certain.
Et c’est ce que je lui ai offert.
Après une longue écoute silencieuse, de son passé, de son présent, de ses projets, je lui ai proposé de passer du vague au concret. Ma question était simple : « Comment te vois-tu dans dix ans ? »
Mais, pour lui, le parcours à tracer était complexe comme ce le serait pour une personne habituée à marcher en regardant ses pieds et qui devrait soudain relever le nez et avancer en regardant autant l’horizon que les alentours : le but et les étapes en même temps.
La démarche consistait en fait à le faire s’imaginer plus grand que lui-même, à substituer la limite du quartier à l’illimité du monde.
Sa parole, hésitante au début, s’est affirmée au fil des mots. Il faudra encore des échanges, encore beaucoup de kilomètres d’entraînement, pour qu’il parvienne à affirmer son pas, à envisager les cailloux, ceux du chemin et ceux dans la chaussure, mais aussi les traces lisses et faciles.
Mettre mes pas dans les siens changent aussi bien des habitudes ; je suis finalement bien trop habituée à marcher du même pas sur les mêmes chemins. Un autre horizon s’ouvre aussi de ce côté-là.
Guillemette Callies 