Odyssée 2021 (#338) – « Carte postale – Le point de vue des objets »

– Le Crayon : « Dites les cartes, vous savez qui est le nouveau, le petit paquet rectangulaire qui nous a rejoint ? »
– L’enveloppe : « Mais non, sac à encre ! Il n’y a pas eu de présentations. Le paquet est joliment sexy mais complétement anonyme. Au moins, si elle avait commencé à écrire quelque chose, toi le crayon et elle la carte en sauriez un peu plus et vous nous en auriez parlé immédiatement. Pour l’instant, je suis encore toute vide et la carte toute blanche. Et toi, ta mine est rentrée. À mon avis, ce sera comme d’habitude, elle va s’y prendre à la dernière minute. »
– Le papier cadeau : « Eh bien les petites choses ! Vous n’êtes pas malignes. Vous ne savez pas lire un calendrier ? Décembre, ça résonne à vos oreilles ? C’est le compte à rebours, des cadeaux, de Noël ! Je suis un cadeau ! »
– Le Crayon, l’enveloppe, la carte : « Mais quel ton vulgaire ! À qui croyez-vous parler ? Nous sommes des quasi-permanents ici. Au minimum vous pourriez nous saluer, dire bonjour et vous présenter. »
– Le papier cadeau : « Moi, je ne suis qu’un emballage ! Je ne suis que temporaire. Je suis sexy comme dit l’enveloppe, mais aussitôt qu’on m’a épluché, on me balance ! Je crois que le cadeau est muet ! Attendez, je vais voir ! »
– (silence)
– Le papier cadeau : « Désolé tout le monde. Rien à faire. Il est mutique. Je me dis que si le vendeur a dit à votre patronne qu’il ne dirait rien, donc le truc doit vouloir respecter la consigne. De là où je viens, il se dit que ceux qui sont snobs comme cela, ce sont les livres. On est fait du même bois, mais on nous sépare rapidement. Nous, on nous jette, sauf les grand-mères qui nous défont méticuleusement, nous lissent, nous plient et nous rangent pour nous réutiliser plus tard. On partagerait des tiroirs pendant des années avec des bolducs, des ficelles et des rouleaux de scotch jaunis. Eux, ils sont gravés avec des mots savants, ils enchaînent les phrases compliquées, les poèmes en prose ou en alexandrins. Il paraît qu’ils tiennent des années. Mais je n’en sais pas plus et je ne sais pas lire. Et dans les magasins, on n’est jamais stockés ensemble. Et ils ne parlent qu’entre eux. Nous, nous somme des faire-valoir, des minutes de suspens. »
– Le Crayon : « Donc tu dis qu’il n’y a aucune chance d’être présentés. Il ne sortira pas de sa réserve. Il fera la carpe. »
– Le papier cadeau : « Eh oui les amis ! Sauf si on me déchire devant vous et que l’heureux bénéficiaire du cadeau s’esclaffe et débite son identité. Et sauf, si, une fois à poil, le cadeau consent à socialiser. »
– (silence)
– La carte : « Dis, pour un papier cadeau, ça fait aussi mal qu’à une carte d’être déchiré ?
– Le papier cadeau : « Je ne te dis pas ! Rien qu’aux ciseaux, d’être découpé et séparé du rouleau, j’en ai bavé. Pas sûr que j’ai le temps de m’en remettre avant Noël ! Sauf si je tombe sur une vieille ! »

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