
Le brouillard est gênant. Il empêche de voir loin. La brume, elle, accueille le regard qui, sans crainte, s’y jette. Le brouillard contracte les sens privés de repères, la brume les relâche comme une traverse entre le réel et l’imaginaire.
Est-ce qu’à scruter cette frontière on pense vraiment ? Non. On fait corps avec la brume, on est entre deux eaux ; ni dans la pensée, ni dans le rêve : on est en suspension. La brume imprègne son mystère au point qu’on la devient. On est là, présent physiquement, mais ailleurs en même temps, absent : on ne donne pas prise, on est en prise avec le sans prise, sans attache, sans contingence. Flottant.
Est-ce cela être ?
Un voyage libre de l’esprit, sans attaches ni bagages et un retour au réel, allégé, apaisé ? Un accueil du monde empreint de respect pour les beautés qu’il nous offre et auxquelles nous avons part. Une révélation de notre besoin d’esthétique, de notre coïncidence avec la poésie qui nous irrigue, cette pensée de l’entre-deux justement, cette brume, cet éphémère dont nous sommes faits : une rencontre de notre brume dans la brume.